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Les larmes du Chabbate | Lundi 5 Mai 2008 | 11h23 Vue : 3751 fois | |
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Israël Meïr Kagan: le 'Hafets 'Haïm
Une année,
à l'occasion du Yartsaïte du 'Hafèts 'Haïm, un Rav de Miami fit un discours sur la vie et l'œuvre de ce dernier. Il cita les nombreux Séfarim que le grand sage avait écrits, sur la Halakha et le Moussar. Il loua son caractère exceptionnel, et rappela plusieurs histoires qui illustrent bien, selon lui, l'amour sincère que le 'Hafèts 'Haïm éprouvait envers son prochain juif.
Il y avait
une histoire que le Rav aurait voulu raconter, mais il était gêné, car il n'en connaissait qu'une partie. Debout derrière son pupitre, il hésita puis décida que toute histoire qui parlait du 'Hafèts 'Haïm, même inachevée, contenait certainement un message.
Il commença
par parler d'un Ba'hour qui étudiait dans la Yéchiva du 'Hafèts 'Haïm à Radin, et qui fut découvert en train de fumer une cigarette le jour du Chabbate. Plusieurs étudiants de la Yéchiva l'avaient surpris en train de violer la sainteté de ce jour sacré et avaient couru en informer les Rabbanim de la Yéchiva, qui décidèrent de renvoyer le garçon. Mais quand le 'Hafèts 'Haïm eut vent de l'affaire, il demanda à voir le Ba'hour chez lui.
La Yéchiva du 'Hafets 'Haïm à Radin
Parvenu à ce point
de son récit, le Rav s'interrompit et dit : "Je ne sais pas ce que le 'Hafèts 'Haïm a dit au garçon. Je sais simplement qu'ils ne sont pas restés ensemble très longtemps.
Je donnerais cher
pour savoir ce qu'il lui a raconté, car on m'a dit que le jeune homme n'avait plus jamais transgressé le Chabbate. Comme ce serait merveilleux de pouvoir transmettre ce message - quel qu'il soit - à d'autres, pour les encourager dans leur Chémirate Chabbate, et obtenir les mêmes résultats!"
Le Rav
poursuivit alors son discours.
Après la conférence, la salle se vida complètement à l'exception d'un vieil homme. Il resta sur son siège, seul avec ses pensées. De loin, il paraissait être pris de tremblements, comme s'il pleurait ou claquait des dents.
Le Rav
se dirigea vers le vieillard, s'assit à ses côtés et lui demanda : "Est-ce que tout va bien?
Comment connaissiez-vous
cette histoire de cigarette du Chabbate?" demanda l'homme en guise de réponse. Il ne leva pas les yeux, visiblement encore très ému et bouleversé.
"Je n'en sais rien, répondit le Rav. Je l'ai entendue il y a quelque temps. Je ne me rappelle même pas qui me l'a racontée."
Le vieil homme
regarda le Rav d'un air embarrassé. "C'était moi, le Ba'hour" dit-il d'une voix étouffée C'était au tour du Rav - qui venait de prononcer un discours impeccable, et trouvait facilement ses mots d'habitude, - de rester sans voix.
Il était stupéfait
par le fait d'avoir raconté cette anecdote en public le jour précis où cet homme se trouvait dans l'assistance. Il savait que c'était irrationnel, mais dans son esprit, le garçon de l'histoire était resté un perpétuel adolescent. Il avait du mal à croire que le vieil homme assis près de lui et le garçon rebelle de Radin ne faisaient qu'un. Et bien qu'il fût très curieux de savoir ce qui s'était passé entre le 'Hafèts 'Haïm et le garçon, il n'osait lui poser la question.
Le Rav
laissa l'homme se remettre de ses émotions, qui semblaient l'envahir à nouveau. Ils restèrent assis un moment, sans parler, puis le vieil homme dit : "Je vais vous raconter ce qui s'est passé, mais allons plutôt dehors." Il semblait avoir besoin d'un peu d'air.
Ces événements
dramatiques, survenus plusieurs années auparavant avaient soudain repris vie. Aujourd'hui était brutalement devenu hier, et il était bouleversé par ce bond dans le passé.
En marchant,
il commença ses explications. "Cet incident, s'est produit en 1920, quand le 'Hafèts 'Haïm avait plus de quatre-vingts ans. J'étais terrifié à l'idée de devoir me rendre chez lui et lui faire face. Mais quand je suis arrivé chez lui, j'ai constaté avec stupéfaction la pauvreté dans laquelle il vivait. Je n'arrivais pas à concevoir qu'un homme de son importance pût se contenter de vivre dans un tel cadre.
"Tout à coup,
il est entré dans la pièce où je l'attendais. Il était très petit. A cette époque je n'étais qu'un adolescent, et il m'arrivait aux épaules. Il a pris ma main et l'a serrée tendrement dans les siennes. Il l'a levée jusqu'à son visage, et quand j'ai regardé ses traits pleins de bonté, il avait les yeux fermés.
Quand il les a rouverts, j'ai vu qu'ils étaient remplis de larmes.
D'une voix faible,
pleine de douleur et de reproche, il m'a dit: "Shabbos... haîliger (saint Shabbas)"!
"Mon coeur
s'est mis à battre et j'ai eu terriblement peur. Il tenait à peine ma main, mais j'avais l'impression d'être enchaîné par des liens de fer!
Des larmes coulaient de son visage et l'une d'entre elles a roulé sur ma main. J'ai cru qu'elle allait me transpercer la peau".
Quand je repense
à ces larmes aujourd'hui, je sens encore leur chaleur. Je n'arrive pas à vous décrire le sentiment terrible que j'éprouvais en voyant ce grand Tsaddik pleurer par ma faute. Mais malgré ses reproches - qui tenaient en ces deux mots. - je sentais qu'il n'était pas en colère contre moi, mais plutôt triste et déçu que j'aie personnellement trahi sa confiance.
Il semblait
effrayé par les conséquences de mes actions."
Le vieil homme se tut, perdu dans ses pensées.
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