En prison pour avoir sonné du Chofar

Sous autorité turque puis britannique, l’activité juive au Mur occidental – le dernier vestige de l’ancien Temple juif à Jérusalem et le site le plus sacré du peuple juif – fut sévèrement restreinte. Le droit britannique codifia les restrictions imposées aux Juifs souhaitant prier au Mur : les Juifs n’avaient pas le droit de réciter des prières à voix haute, ils ne pouvaient pas y apporter de Séfer Torah et avaient l’interdiction d’y sonner du Chofar.

UNE LOI INDIGNE

En 1930, à Yom Kippour, à la fin de l’office de Néila qui est récité juste avant le coucher du soleil, un son qui n’avait pas été entendu au Mur occidental depuis plusieurs générations retentit : celui, tonitruant, du Chofar. Moché Segal, un jeune rabbin, avait introduit clandestinement un Chofar au Mur occidental, et en avait sonné comme le veut la tradition à la conclusion de l’office de Yom Kippour.

Le rabbin Segal fut rapidement arrêté, mais au cours des années suivantes, d’autres jeunes hommes juifs le remplacèrent. Chaque année, entre 1930 et 1947, des adolescents juifs introduisirent clandestinement des Chofar au Mur occidental en les dissimulant sous leurs vêtements, et en sonnèrent à la fin de Yom Kippour. Ces jeunes gens travaillaient par équipe de trois, cela afin de sonner du Chofar aux deux extrémités du Mur et en son centre. Abraham Caspi, qui avait 16 ans quand il sonna du Chofar au Mur occidental en 1947, se souvient qu’on lui avait dit : « Tu seras le premier à sonner, et si tu n’y arrives pas ou si tu te fais attraper, quelqu’un d’autre s’en chargera. »

LA PRISON

Les soldats britanniques arrêtèrent systématiquement les jeunes gens qui sonnaient du Chofar. Chacun d’eux fut traduit en justice et condamné à une peine de prison allant jusqu’à six mois. Cela ne dissuada pas d’autres volontaires de tenter leur chance : « Nous nous étions jurés de donner notre vie pour la résurrection du peuple juif, » explique Jacob Sika Aharoni, qui sonna du Chofar au Mur à l’âge de 16 ans en 1936.

Quand la Jordanie s’empara de la vieille ville de Jérusalem, elle interdit à tous les Juifs de s’approcher du Mur occidental et ce, pendant 19 ans. En 1967, Israël libéra le Mur, y autorisant l’accès aux personnes de toutes les confessions, et c’est ainsi que le Chofar y retentit de nouveau. Abraham Elkayam, qui avait 13 ans quand il sonna du Chofar au Mur occidental en 1947, combattait dans les environs, et se dirigea à toute allure vers le Mur. Un soldat israélien sonnait du Chofar face au Mur et Elkayam lui demanda s’il pouvait lui aussi avoir ce privilège. Elkayam sonna du Chofar à son tour et un soldat qui se tenait près de là lui demanda pourquoi il tenait tant à le faire.

L'INCROYABLE RENCONTRE

Abraham Elkayam lui expliqua qu’il était l’un des derniers hommes à avoir sonné du Chofar au Mur occidental en 1947. Alors le soldat se présenta à lui, lui révélant qu’il avait été, pour sa part, le tout premier homme à y avoir sonné du Chofar. Il s’agissait de nul autre que le rabbin Segal, qui avait introduit cette tradition annuelle en 1930.