Les « otages » d’un Iran déchu

Par Rav Meïr Hazan

   Juifs iraniens dans une synagogue de Téhéran en "soutient" aux Palestiniens de Gaza, le 30 octobre 2023

Après l'humiliation, la vengeance 

L’Iran, grande puissance chiite a été humiliée par Israël dans le domaine militaire et technologique. Faute de pouvoir frapper l’État hébreu, il se tourne vers un acte dérisoire et cruel : s’en prendre à sa propre communauté juive. Bien que loyale, stable et enracinée, cette dernière fait preuve d’une lucidité certaine. Elle ne saurait être soupçonnée de s’engager, même discrètement, dans une quelconque collaboration avec les renseignements israéliens se sachant sur écoute constamment.

Il faut rappeler que l’idéologie chiite repose sur l’attente du Mahdi, figure pseudo messianique censée restaurer la justice et vaincre les forces du mal (Israël le "petit Satan" faisant partie).

Le Juif devient l’icône de ce que l’Iran n’arrive pas à être. Il devient le miroir qui renvoie l’échec du projet chiite. Et dans ce miroir, les Rabbanim deviennent l’image la plus insupportable.

Pourquoi frapper ceux qui ne représentent aucun danger réel ? Pourquoi faire de quelques figures juives iraniennes le théâtre d’une vengeance symbolique ?

La présence d’Israël et ce qu’il représente est un démenti flagrant du message de l’Islam. La haine d’Israël est générée, non pas par sa force militaire, mais le message de vérité qu’elle exprime. De ce fait Ichmaël perd sa légitimité religieuse.

Les grands Sages du peuple juif ont diagnostiqué cette pathologie comme étant le mécanisme spirituel de la haine d’Ichmaël.

Ce texte se propose de retracer ce diagnostic à travers leur regard, pour montrer que la vengeance de l’Iran vis-à-vis de ses concitoyens juifs fidèles et innocents après sa défaite n’est rien d’autre que l’aveu métaphysique de son effondrement ontologique.

La force d’Israël est intérieure

Dans le Guide des Égarés (III, 51), le Rambam enseigne que la vraie grandeur ne réside pas dans la domination extérieure, mais dans la proximité avec la Sagesse divine. Le peuple qui perd cette sagesse mais qui pense la détenir, souffre d’un vide insupportable.

C’est précisément ce qu’exprime l’Iran aujourd’hui : une puissance religieuse déchue, qui pensait pouvoir détruire Israël par le mythe de la résistance sacrée, et qui se retrouve à s’en prendre à quelques Rabbanim dans un acte de désespoir.

'Essav et Ichmaël face à Ya'akov

Le Maharal de Prague, dans son Guévourote Hachem, établit une distinction essentielle entre les descendants d’'Essav (Rome, l’Occident) et ceux d’Ichmaëll (les nations arabes et islamisées). Tous deux se dressent contre Ya'akov, mais de manières différentes.

'Essav cherche à atteindre Ya'akov par la force directe.
« הלכה היא בידינו שעשו שונא ליעקב » "C’est une loi en nos mains qu’Essav haït Ya'akov" est une expression bien connue dans la tradition juive, souvent citée comme une vérité éternelle sur la relation conflictuelle entre 'Essav et Ya'akov.

Le Maharal décrit Ichmaël comme une force spirituelle qui se présente comme un rival religieux d’Israël. L’Islam, issu symboliquement d’Ichmaël, se réclame héritier d’Avraham (Ibrahim), et par conséquent, en concurrence directe avec Israël sur le plan de l’élection.

Enfin Le Maharal explique que cette rivalité génère une haine du fait qu’il n’accepte pas que la spiritualité puisse être reçue, et non conquise par le glaive. Il veut l’obtenir par la force (territoriale, symbolique, doctrinale), alors que la Torah enseigne que la révélation est un don et non un droit.

Le Gaon de Vilna considérait Ichmaël comme l'incarnation d’une Klipa spirituelle – une écorce qui enveloppe la lumière, l’emprisonne, mais la dénature. Dans la terminologie kabbalistique, la Klipa désigne une force qui imite la sainteté tout en en étant fondamentalement coupée de son essence intérieure.

Quand le vide génère la haine

Dans son Mikhtav MéEliyahou (Tome 1, 3 et 5), le Rav Dessler explique que la haine est souvent une projection du vide intérieur. Lorsqu’un peuple ou un homme est confronté à l’incapacité d’agir dans la grandeur, il se retourne vers la mesquinerie et la défiguration de l’image de l’autre.

Pour le Rav, l'Islam déchu cherche à absorber ou supprimer l'Autre symboliquement. L’Iran agit ici selon ce principe : frapper la lumière qu’il ne peut plus soutenir.

Le Rav Hutner décrivait le comportement du monde arabo-musulman comme : « la rage métaphysique d’Ichmaël face à la résilience et la continuité d’Israël. »

Ichma'el et sa jalousie spirituelle

Le Rav Moché Shapira, sur le thème central "Ichmaël et Israël", ajoutait dans ses cours hebdomadaires que cette rage est alimentée par une déconnexion entre la prière et la Révélation. Ichmaël prie mais il ne reçoit pas. Il entend, mais ne comprend pas. Il se tourne alors vers la violence pour combler ce silence dépressif de l’âme.

Le Rav souligne justement qu'Ichmaël ne conteste pas l’existence d’un D-ieu unique (au contraire, il l’exalte), mais il veut se substituer à Israël  en revendiquant le monopole de la relation avec le divin.

Ichmaël porte les signes extérieurs de la religion, mais il ne parvient pas à intégrer le contenu de la parole divine. Cela le condamne à une rage et frustration éternelle. Le Rav explique que la structure même de la haine d’Ichmaël réside dans ce que la Kabbala appelle la jalousie spirituelle (קינאה רוחנית).

Israël, la conscience vivante

Le Rav Soloveitchik dans une approche plus psychologique affirme que « le Juif n’est pas une force politique, il est une conscience debout. Tant qu’il vit par et pour l’Alliance avec D-ieu (Brite hachem), le monde entier entend son pas, même quand il marche pieds nus ».

L’évènement du don de la torah, unique dans l’histoire humaine, a été un l’acte fondateur irréversible de la relation entre D-ieu et son peuple. Et l’Islam ne peut accepter la primauté d’une Vérité antérieure qu’il ne maîtrise pas.

L’existence d’un peuple juif fidèle à une Alliance qui ne dépend ni d’une conquête politique, ni d’un empire, est une provocation ontologique. Il en découle une violence qui n’est pas stratégique, mais existentielle.

Conclusion

La vengeance d’Ichmaël / Iran n’est pas une vengeance de force, mais de faiblesse spirituelle. Elle agit lorsque le masque tombe, lorsque la « voie religieuse » n’a plus de contenu intérieur. Ce n’est plus une guerre de nations, c’est une guerre de sens. Et comme l’ont dit les Sages :

 "Quand la force d’Israël vient de l’intérieur, les nations tombent de confusion sans qu’une épée soit levée." (Yalkoute Chimoni: Yeshayahou 60 : 22).

L’Iran après sa défaite agit selon ce schéma : incapable de répondre par la victoire, il se venge sur les plus faibles, les symboles, comme les juifs d’Iran, pour réaffirmer une dignité perdue.

Ichmaël est comme une ombre qui a perdu son corps. Lorsqu’il ne peut plus frapper Ya'akov de l’extérieur, c’est vers l’ombre de celui-ci, qu’il abrite encore en lui, qu’il se retourne. Alors dans un sursaut de rage spirituelle, il s’acharne contre ceux qui incarnent cette mémoire vivante : ses propres juifs, loyaux et fidèle.