La Mimouna (מימונה) est une fête traditionnelle essentiellement nord africaine et plus particulièrement marocaine qui marque la fin de Pessa'h. Elle est célébrée dans la nuit qui suit le dernier jour de Pessa'h, marquant le retour à la consommation de produits levés ('Hamets).
Le concept du lendemain de la fête
On peut dire que les racines des célébrations de la Mimouna, lors du lendemain de la fête (אסרו חג - Isrou 'Hag) de Pessa'h, remontent déjà au roi David, qui a établi le concept de « Isrou 'Hag » comme il est dit dans les Psaumes (118) : « Attachez la fête avec des branches jusqu'aux cornes de l'autel. »
Sur ce verset, les Sages ont enseigné dans le traité Soukka (45b) :"Rabbi Yirmiya a dit au nom de Rabbi Yo'hanan le Makoti : Quiconque célèbre « Isrou 'Hag » en mangeant et en buvant, est considéré comme s'il avait construit un autel et y avait offert un sacrifice, comme il est dit : « Attachez la fête avec des branches jusqu'aux cornes de l'autel. » Rachi explique là-bas qu’il s’agit du jour qui suit la fête.
Le Talmud de Jérusalem, avec Le commentaire du Pné Moché, explique : "Le jour qui suit la fête est comme la fête elle-même... parce qu'il est habituel de se réjouir également le jour qui suit la fête et de s'y reposer..."
On peut comprendre ces choses de manière simple. Les jours de fête sont un temps d'élévation, de joie, de proximité avec D-ieu. La séparation nous est difficile. Comme le Saint, béni soit-Il, a dit : "Il M'est difficile de vous quitter", et il nous est difficile de Le quitter.
Pour exprimer cette affection, nous prolongeons la festivité même dans les jours de semaine. Cela ressemble au repas de Mélavé Malka à la sortie du Chabbat. De même, la Mimouna, célébrée lors du Isrou 'Hag de Pessa'h, chaque communauté selon ses coutumes particulières, a pour but de préserver et de prolonger dans les jours de semaine la sainteté de la fête.
Origines et significations de la Mimouna
On n’en trouve pas de mention directe dans la Torah ou le Talmud, mais elle s’inscrit dans le cadre plus large des célébrations symboliques liées à la foi, l'espérance, le renouveau et la joie.
Plusieurs hypothèses existent quant à l’origine du nom de Mimouna » :
- "Mimouna" est liée au mot hébreu "Émouna" (אמונה), qui signifie foi, confiance. De même qu’il y eut une première délivrance, il y aura une dernière délivrance. "Les enfants d’Israël ont été libérés en Nissan, et en Nissan, ils seront à nouveau délivrés" (Roch Hachana 11b). Or, Nissan est déjà bien avancé et la rédemption n’est pas encore arrivée. C’est pourquoi on célèbre la Mimouna avec joie et foi, dans l’attente de la délivrance finale.
- "Le monde est jugé à quatre moments de l’année" (Michna, Roch Hachana 1:2). A Pessa’h, il est jugé pour les récoltes. C’est pourquoi on apporte des rameaux et des épis de blé, on les bénit et on se réjouit des fruits de la terre et de ses bienfaits.
- La joie de la fête de Pessa’h est incomplète. Dès Hol Hamoèd (les demie fêtes), on ne récite plus le Hallel complet, en raison du principe talmudique : "Les œuvres de mes mains (les égyptiens) se noient dans la mer, et vous chantez ?" (Sanhédrin 39b). Ainsi, la Mimouna vient compléter la joie de la fête.
- L’anniversaire du décès de Rabbi Maïmone, père du Rambam (Maïmonide), a lieu immédiatement après Pessa’h. Or, il n’existe pas de pèlerinage sur sa tombe puisque c’est un lendemain de fête (אסרו חג - Isrou 'Hag). La Mimouna serait donc une sorte de substitut à cette Hiloula (célébration).
- Le terme "Mimouna" pourrait dériver du mot arabe « Mimoun », qui signifie "chance" ou "succès ". La fête concrétise ainsi un moment propice aux bénédictions pour une année fructueuse et prospère.
Coutumes et Traditions de la Mimouna
Un moment propice aux vœux de réussite et aux bénédictions pour l'année à venir.
Dans la communauté marocaine, à la fin de la prière du soir à la sortie de Pessa'h, on avait l'habitude de se bénir mutuellement avec la bénédiction de la fête : « Tirba'h Outissa'd - תרבח ותסעד » (Que tu prospères et que tu réussisses). Ou au pluriel « תרבחו ותסעדו » (Que vous prospériez et que vous réussissiez) ! En Hébreu : "תרוויחו ותצליחו"
La bénédiction résonnait dans les rues de tous côtés. Les membres de la communauté qui rentraient chez eux après la synagogue prenaient soin d'accompagner le rabbin de la synagogue jusqu'à sa porte. Certains se rendaient même chez un Cohen, un pieux parmi les Cohanim, pour recevoir sa bénédiction.
Ce jour est un moment particulièrement propice à la prospérité et aux rencontres matrimoniales (Chidoukhim). Le jour que l’on choisissait souvent pour faire les demandes en mariage.
Après une nuit de chants et de bénédictions, tout le monde sortait au matin vers une source d’eau. Le lendemain, après la prière du matin, certains se rendaient au bord de mer, aux sources, aux rivières.
Les femmes y vont en premier, murmurent des bénédictions et plongent leurs pieds dans l’eau, en signe de bénédiction ou de purification. Après elles, tous les membres de la famille entraient à leur tour et remplissaient des flacons de cette eau qu’ils ramenaient à la maison.
Hospitalité et fraternité
La nuit de la Mimouna, on avait coutume de laisser la porte de la maison ouverte (tant que les habitants sont présents et éveillés) afin d’accueillir quiconque souhaite entrer, sans distinction de lien familial, d’amitié ou d’invitation préalable.
La nuit de la Mimouna s’est longtemps caractérisée par une sorte de "tournée des maisons" (ou "balade de Mimouna"), où chaque famille visitait presque toutes les autres.
En effet, pendant les sept jours de Pessa'h, en raison des règles strictes de Kacherout, il était courant que chaque famille célèbre la fête séparément, dans le but de préserver les coutumes ancestrales et de se garder de l'interdiction du 'Hamets.
C'est pourquoi, à la sortie de Pessa'h, tout le monde ouvre les portes de sa maison et de son cœur, et s'invite mutuellement pour montrer que toute division était due au désir de respecter les coutumes de Pessa'h, mais que tous sont aimés, et tous mangent ensemble et se bénissent mutuellement.
Harmonie communautaire
La Mimouna incarne également l’idéal de coexistence et de respect mutuel entre les communautés juives et musulmanes en Afrique du Nord. Les voisins musulmans offraient souvent de la farine et d’autres ingrédients aux Juifs à la fin de Pessah, permettant ainsi la préparation des mets de la Mimouna.
La table de la Mimouna : Tout un symbole
Les tables sont richement garnies avec des symboles de prospérité et d'abondance, présage d’une année douce et agréable.
les femmes au Maroc avaient l'habitude de préparer des Moufléta (crêpes), ainsi qu'un couscous sucré au miel. La préparation de la pâte n'était pas seulement une affaire technique, mais le pain nouveau préparé à la sortie de Pessa'h était fait avec une crainte sacrée.
Dans la communauté de Debdou au Maroc, les maîtresses de maison priaient pendant la préparation de la pâte en disant : « Bénédiction, bénédiction dans cette pâte, bénédiction d'Elie le prophète dans le travail de nos mains ! » Certaines chantaient pendant le pétrissage le poème : « Avec un bon signe et du succès / Que cela soit pour notre communauté / Et une voix de joie et une voix de bonheur / S'entendra dans notre pays / Et alors il y aura la prospérité / Avec la venue de notre Machia’h. »
Les fondamentaux :
La Moufléta (מופליטא). Crêpe fine « spécial Mimouna ». Voir la recette ici et ici en vidéo
Le Raybe (ראייב). Lait fermenté dont le goût est très proche de celui du yaourt naturel.
Le Zabane (זאבאן). Nougat tendre marocain. Voir la recette ici et ici en vidéo
La Mrozia (מרוזייא). A base de raisins secs, amandes et noix grillées.
- Fruits et douceurs : représentant la prospérité.
- Dattes, miel et beurre : symboles de douceur.
- Levain et farine : marquant le retour au 'Hamets.
- Moufléta : crêpe traditionnelle, accompagnée de miel et de beurre.
- Fruits secs et noix : Symboles d’abondance et de prospérité.
- Des pièces de monnaie, des bijoux et des épis de blé, représentant la richesse et la fertilité.
- Poissons vivants : signe de fertilité et de bénédiction.
- Toutes sortes de confitures : pour une année douce
Conclusion
La Mimouna est bien plus qu'une simple célébration festive et gastronomique : elle est un puissant symbole d'union, de foi et d'espérance, perpétuant une tradition riche de sens et de spiritualité.
Rav Aharon Bieler