Iréna Sendler, une femme d'exception

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Origines et motivation

Lorsque l’humanité bascule dans ses heures les plus sombres, il reste toujours des femmes et des hommes capables de maintenir une lueur d’humanité intacte. Leur présence prouve que même au cœur de la cruauté nazie organisée, certains refusent de céder à la peur ou à l’indifférence. Iréna Sendler appartient à cette catégorie qui, dans un monde effondré, a choisi de préserver la vie et la dignité d’autrui.


Son action rappelle que le mal peut être puissant, mais qu’il n’abolit jamais entièrement la possibilité d’un acte juste, d’un geste de courage, ou d’une conscience qui refuse de se taire. À travers son engagement, c’est une certaine idée de l’homme qui se maintient, ferme et intacte malgré la destruction.
Iréna Sendler, née Irena Krzyżanowska en 1910 à Varsovie, était assistante sociale. Son père, le Dr Stanisław Krzyżanowski, soignait des patients juifs pauvres, ce qui a profondément marqué sa vision de l’entraide.

Durant l’occupation nazie, elle travailla au sein du service municipal de santé, ce qui lui permit d’obtenir un laissez-passer pour pénétrer dans le ghetto de Varsovie sous prétexte d’inspections sanitaires.

Son travail de sauvetage

Avant même son entrée dans la résistance organisée, plusieurs éléments expliquent l’élan moral singulier qui la poussa à agir là où tant d’autres restaient inactifs. Le plus significatif était l'héritage reçu de son père.
Elle avait grandi dans le souvenir d’un médecin qui soignait sans distinction les familles juives pauvres et qui en mourut. Cet exemple avait ancré en elle l’idée que la valeur d’une vie n’a pas de frontière.

Dans une Pologne où les préjugés antijuifs étaient répandus, elle se singularisait par une opposition nette et ouverte à ces discriminations, avant même l’arrivée des nazis.
À partir de 1942–1943, Iréna rejoint Żégota (le Conseil clandestin d’aide aux Juifs) et devient responsable de la « section enfance » (Yad Vashèm).


Elle met en place des mécanismes clandestins variés en faisant sortir des enfants du ghetto et en les dissimulant dans des ambulances, des caisses, des sacs, via des passages souterrains. Chaque enfant reçoit de faux papiers et un nom polonais, puis est placé dans des familles catholiques, des orphelinats ou des couvents.

Les noms « juifs » réels et les identités provisoires sont consignés sur des petits papiers comme des papiers de cigarette. Puis enfermés dans des bocaux en verre et enterrés dans un jardin, dans l’espoir de pouvoir les retrouver après la guerre (Source Yad Vashèm).

Des témoignages bouleversants

Elżbieta Ficowska avait environ cinq mois lorsqu’Iréna la fit sortir du ghetto, placée dans une boîte de menuisier.
Elżbieta est née dans le ghetto de Varsovie début 1942 (dans une famille juive sous le nom d’Elzunia Koppel). À environ six mois, elle fut endormie, placée dans une caisse en bois (avec des trous pour respirer), puis exfiltrée du ghetto parmi des briques dans une charrette. Sa mère avait glissé dans la caisse une petite cuillère d’argent avec son prénom “Elzunia” et sa date de naissance, comme un témoignage durable de son identité.
Après la guerre, Iréna nota son nom d’origine, le nom de ses parents et sa nouvelle adresse sur un morceau de papier, qu’elle ajouta aux autres dans le bocal enterré.

Teresa Körner, qui s’appellera plus tard Teresa Tucholska, sera trouvée par Iréna près de Varsovie à l’automne 1942 ou début 1943, après la mort de ses parents et de sa sœur. Elle la plaça dans un camp du Conseil de Bienfaisance (Central Welfare Council), et après la guerre Teresa vécut quelque temps chez Sendler et son mari.

Piotr Zettinger (anciennement Piotr Zysman) raconte qu’il fut extraits du ghetto par les égouts, puis transféré à des religieuses pour y être élevé. Après la guerre, il resta en relation avec Iréna, et donna des cours à ses enfants.

Katarzyna Meloch : selon les témoignages, elle fut d’abord cachée dans l’appartement d’une amie d’avant-guerre d’Iréna, puis emmenée à Turkowice dans un couvent. Après la guerre, Iréna continua à la soutenir dans les moments difficiles, notamment en l’encourageant par téléphone.

Arrestation, torture et conséquences 

Le 20 octobre 1943, Iréna Sendler est arrêtée à son domicile par la Gestapo à la suite d’une dénonciation. Conduite à la prison de Pawiak, elle subit des interrogatoires répétés visant à obtenir les listes d’enfants sauvés et les noms des familles polonaises qui les cachaient. Les tortures sont sévères: passages à tabac, jambes brisées, privation prolongée de sommeil. Malgré cela, elle ne fournit aucune information.

Żégota organise alors son sauvetage par l'intermédiaire du réseau qui réunira une somme d’argent importante qui sera versée à des gardiens corrompus. Ceux-ci simulent son exécution et inscrivent officiellement son nom sur la liste des prisonniers fusillés.
Cette manœuvre lui permet d’être exfiltrée hors de Pawiak et de reprendre la clandestinité sous le nom de « Jolanta ».

À peine remise, elle rejoint de nouveau la structure de secours aux enfants juifs et continue le travail commencé avant son arrestation, consciente qu’elle ne pourra plus jamais apparaître en public sous sa véritable identité pendant le reste de la guerre.

l'après-guerre 

Après la guerre, Iréna exhume les bocaux enterrés, transmet les listes à des représentants juifs, et participe à des tentatives de réunion des enfants avec leurs familles, mais beaucoup de parents sont morts, notamment à Treblinka (source Holocaust Research Project).

"Sprawiedliwi.org" est une organisation polonaise dédiée à la recherche, à la documentation et à la promotion de la mémoire des « Justes parmi les nations » en Pologne. Elle recense les histoires de Polonais qui ont sauvé des Juifs pendant la Shoah, publie des témoignages, organise des événements commémoratifs et sensibilise le public à ces actes de courage et d’humanité.

Selon les archives du site “Sprawiedliwi.org”, ses témoignages et ceux de ses collègues mentionnent qu’au début, elle agissait avec une douzaine d’associés, et que pendant les années 1943-1944, le Département des enfants de Żégota soutenait plusieurs centaines d’enfants, y compris via des institutions religieuses.

Iréna garde de nombreux liens avec certains enfants qu’elle a sauvés, y compris Teresa Körner et Piotr Zettinger. Elle les a soutenus après la guerre, tant moralement que matériellement.

En 1965, elle est reconnue par Yad Vashem comme Juste parmi les nations.

Le Petit Journal

Pendant longtemps, Iréna Sendler est restée une figure méconnue, notamment en Pologne où le récit de la Shoah était souvent limité aux grandes résistances armées ou à la victimisation collective. Ce n’est qu’en 1999 que l’histoire d’Iréna a été remise en lumière grâce à un projet scolaire mené par des élèves d’un lycée du Kansas, appelé « Life in a Jar ».

Ce projet scolaire initié en 1999 par un groupe de lycéennes américaines de Topeka, au Kansas, qui ont découvert l’histoire d’Iréna Sendler. Fascinées par son courage et son engagement, elles ont mené des recherches approfondies, recueilli des témoignages et écrit une pièce de théâtre portant ce nom. Ce projet a permis de faire connaître Iréna à un large public international, contribuant à sa reconnaissance tardive en tant que Juste parmi les nations et héroïne de la Shoah.

Les recherches
de l’historienne Deborah Dwork (experte de la Shoah) soulignent l’importance de l’action d’Iréna Sendler non seulement comme sauvetage, mais comme acte de résistance civile et de dimension morale. Elle contribue à une vision plus large des “Justes”, au-delà des récits individuels ou dramatiques.

au delà de l'humain, le symbole

Iréna Sendler n’était pas une figure mythique, elle a opéré dans des conditions extrêmement difficiles, en utilisant des structures clandestines bien organisées. Ses actes ne se réduisent pas à un chiffre, même si “2 500 enfants” est largement cité, des études historiques montrent que le nombre précis varie selon les sources.

Sa relation avec les enfants sauvés ne s’est pas arrêtée à la guerre. Elle a maintenu des liens, aidé certains à reconstruire leur vie, et pris au sérieux la reconstitution des identités perdues. Sur le plan moral et historique, elle reste un exemple de résistance non violente, d’engagement social et d’humanité face à la déshumanisation massive de la Shoah.

Son plus grand regret : "de n'avoir pas pu en sauver plus !"

Une succession de miracles au-delà de l'entendement

L’action d’Iréna ne relève pas uniquement de la volonté, de l'organisation, de la chance ou du hasard, mais d’une protection divine évidente qui a suspendu la logique rationnelle à maintes reprises :

Comment a-t-elle pu sortir 2 500 enfants au nez et à la barbe de la Gestapo ?

Comment des bébés, cachés dans des caisses ou des sacs, n’ont jamais pleuré au moment des contrôles et que les chiens des nazis n’ont pas aboyé ? Cela relève du surnaturel.

Comment, arrêtée et torturée, elle n'a ni dévoilé le lieu où a été caché la liste des enfants, ni dénoncé un seul de ses complices ?

Comment de fragiles papiers de cigarette enterrés dans des bocaux ont-ils pu subsister et être retrouvés ? La Providence a veillé sur ces listes comme sur un trésor sacré, garantissant que les âmes juives sauvées puissent un jour retrouver leur nom et leur histoire.

Comment un gardien a-t-il pu être soudoyé par l'organisation Zégota et l'a de surcroît inscrite sur la liste des "fusillés" ? Officiellement condamnée à mort, Iréna n'avait pourtant aucune chance face à ses bourreaux.

Celui qui ne voit pas devant toute cette succession d'événements, la main de la providence divine, serait assurément atteint de cécité !