
Deux ans après l’attaque du 7 octobre 2023, Israël a réussi à ramener 252 des 255 personnes enlevées vers la bande de Gaza. La plupart ont retrouvé leur foyer, certaines ont été libérées dans le cadre d'accords, d’autres lors d’opérations militaires.
Mais trois dépouilles restent encore retenues dans la bande de Gaza : celles de Dror Or, du sergent-chef Ran Goeili et de Suthatisak Rintalak. Leur retour incomplet maintient ouverte une blessure nationale et familiale, rappelant que la guerre n’a pas seulement été un affrontement armé, mais aussi une lutte pour la dignité de chaque victime.
Dror Or הי״ד – un chef aimé de sa communauté
Dror Or, 48 ans, vivait au kibboutz Beeri, où il avait bâti une vie centrée sur la gastronomie artisanale et l’engagement local. Chef spécialisé dans la cuisine lactée, il travaillait dans une petite production de fromages et participait activement aux projets du kibboutz.
Le matin du 7 octobre, il a été assassiné chez lui. Son épouse, Yonat, a subi le même sort, tandis que leurs enfants, Alma et Noam, ont été enlevés puis libérés plusieurs semaines plus tard lors du premier accord d’échange.
La dépouille de Dror a été emportée vers Gaza, où elle est toujours retenue. Pour son kibboutz, son absence est celle d’un homme profondément enraciné dans son environnement, connu pour sa générosité et son attachement à la vie collective.
Sergent-chef Ran Goeili הי״ד – le policier qui a quitté sa chambre d’hôpital pour porter secours
À 24 ans, Ran Goeili servait dans l’unité Yasam Negev de la police, une unité d’intervention spécialisée. Le matin du 7 octobre, il se trouvait à l’hôpital en attente d’une opération mineure. Dès qu’il a compris l’ampleur de l’attaque, il a décidé de sortir pour aider ses camarades.
Il s’est rendu à Alumim, où les combats faisaient rage, et a participé à la défense du kibboutz. C’est là qu’il a été tué. Les assaillants ont ensuite enlevé son corps et l’ont emporté vers Gaza.
Fils d’Itzik et Talik, frère d’Omri et Shira, Ran était connu pour son caractère direct, sa loyauté et sa sensibilité envers autrui. Ces qualités se reflétaient dans son engagement professionnel, où il s’était forgé une réputation de combattant déterminé et altruiste.
Le 31 janvier 2024, une commission d’experts a confirmé officiellement sa mort, permettant à sa famille et à son unité de commencer un travail de deuil, mais sans la possibilité d’un enterrement.
Suthatisak Rintalak ז״ל – un travailleur étranger victime de la violence du 7 octobre
Suthatisak Rintalak, 43 ans, avait quitté la Thaïlande pour travailler dans l’agriculture israélienne, comme des milliers d’autres travailleurs étrangers venus soutenir les fermes du sud. Le 7 octobre, il se trouvait dans les vergers proches d’un kibboutz lorsque les assaillants sont arrivés.
Il a été tué sur place, et sa dépouille a été emmenée vers Gaza, où elle est toujours retenue.
Son histoire rappelle que la tragédie du 7 octobre n’a pas touché que les citoyens israéliens : elle a frappé aussi ceux venus gagner leur vie loin de leur famille. Les proches de Suthatisak, informés par les autorités, attendent depuis deux ans de pouvoir lui offrir une sépulture et un adieu conforme aux traditions de leur pays.
Une blessure encore ouverte
Si la majorité des otages ont pu être rapatriés, la situation de ces trois dépouilles souligne à quel point la guerre continue de peser sur les familles et sur la société israélienne.
Elles attendent que leurs proches soient rendus, non seulement pour la mémoire, mais pour restaurer une forme de dignité après deux années d’incertitude et de douleur.
Le but ultime : "Ramener tout le monde"
Depuis un mois, les funérailles d’otages se succèdent en Israël, certaines rassemblant des milliers de personnes, comme celles du colonel Assaf Hamami à Tel-Aviv. Devant sa tombe, son épouse Saphir a exprimé à la fois sa douleur et son soulagement d’avoir enfin pu l’enterrer après deux années d’attente étouffante.
Parmi ceux venus soutenir les familles endeuillées se trouvaient les parents du soldat Itay Chen, tué le 7 octobre. Ils confiaient espérer pouvoir, eux aussi, ramener au plus vite leur fils pour lui offrir une sépulture. Sa mère, Hagit Chen, rappelait alors que l’État avait une responsabilité morale : « ramener tout le monde », pour que chaque citoyen sache qu’il ne sera jamais abandonné.
Plus de deux ans après le 7 octobre, la restitution des dépouilles passe par un long processus d’identification au Centre national de médecine légale de Tel-Aviv. Son directeur, le docteur Chen Kugel, qui a déjà identifié plus de quatre-vingts otages, reconnaît la charge émotionnelle extrême de cette mission, au point que certains médecins ont quitté leurs fonctions.
Pour tenir, il explique devoir se concentrer uniquement sur l’aspect médico-légal, sans penser à la personne durant l’autopsie. Ce n’est qu’en découvrant ensuite son histoire, dans les journaux ou à la télévision, qu’il mesure pleinement la vie interrompue de ceux qu’il a identifiés, avec leurs rêves, leurs familles et leurs projets désormais brisés.