Maran, rav Ovadia Yossef Zatsal : Unique et irremplaçable

Près d’un million de personnes ont accompagné le rav Ovadia zatsal à sa dernière demeure ! Historique. C’est le terme le plus adéquat pour définir les obsèques du Gaon rav Ovadia Yossef zatsal. Des obsèques au cours desquelles près d’un million de personnes sont venues rendre un ultime hommage au guide spirituel unique et irremplacable qu’il a été pendant près de 80 ans. Daniel Haïk a participé à cet événement sans précédent dans l’histoire d’Israël. Récit.

À personnalité exceptionnelle, obsèques exceptionnelles. Celles du gaon  rabbi ‘Haïm Ovadia Yossef zatsal, lundi soir à Jérusalem ont  certainement été l’un des événements les plus marquants, les plus émouvants et les plus impressionnants de l’histoire d’Israël. Un événement qui restera, à jamais, gravé dans la mémoire collective et qui, de facto, a débuté avec l’annonce du décès du rav Ovadia en milieu de journée.

Très vite, l’heure de la lévaya est rendue publique dans les médias. Ce sera à 18 heures à la yéchivat Porat Yossef de Guéoula, où le gaon a étudié dans sa jeunesse. Vers le milieu de l’après-midi, la police déploie d’importants renforts dans un périmètre de plusieurs kilomètres autour de la yéchiva et du cimetière de Sanhédria où le rav sera inhumé. Très vite, la rue Mal’hei Israël, qui traverse le quartier et borde la yéchiva est le théâtre d’un flux incessant de dizaines de milliers de personnes venues non seulement de Jérusalem, mais aussi de tout le pays.

Dans cette foule, on distingue toutes les tendances du monde religieux et même des non-religieux attirés par l’élan d’unité consécutif à la disparition du rav. Moché Daoudi, de Tel-Aviv se trouvait en excursion avec des touristes sur la tombe de tsaddikim à Tibériade : « J’ai appris à la radio le décès de Maran rav Ovadia Yossef et j’ai interrompu cette excursion pour venir de Tibériade à Jérusalem. En de tels instants, je ne pouvais être ailleurs. Je devais participer à sa lévaya et ainsi le remercier pour tout ce qu’il m’a apporté durant ma vie. Car c’est grâce à lui que je suis ce que je suis ». Comme des milliers d’hommes présents, David a déchiré sa chemise en signe de deuil.

Dans l’après-midi, peu avant que la dépouille mortelle du rav Ovadia Yossef ne soit acheminée vers la yéchiva, le président de l’État Shimon Pérès et le Premier ministre Binyamin Nétanyaou arrivent à la maison funéraire de Shamgar près de Guéoula. Pour des raisons évidentes de sécurité, ils sont venus pour prendre congé du rav, discrètement, loin de la foule. À l’heure du début des obsèques, la rue Mal’hei Israël et les environs de la yéchiva sont noires de monde.

Quasiment impossible d’accéder au bâtiment. La limousine du gaon rav Chmouel Auerbach chlita ne parvient pas à se frayer un chemin dans la foule très dense et le rav est contraint de parcourir à pied les dernières dizaines de mètres qui le séparent de la yéchiva. Idem pour les enfants du rav Ovadia arrivés dans des ambulances du « I’houd Hatzala ».

On aperçoit le rav David Yossef visiblement éprouvé. Sur les ondes des radios orthodoxes qui diffusent l’intégralité de la cérémonie en direct, les premières estimations de la police fusent : entre 250 000 et 300 000 personnes assistent aux funérailles du rav ! Grâce aux hauts parleurs déployés autour de la yéchiva, on entend les Sli’hot récitées par plusieurs rabbanim dont le gaon rav Réouven Elbaz.

Puis c’est au tour des oraisons funèbres. Pendant près de deux heures, les plus hautes sommités du monde de la Torah se succèdent au micro pour rendre un ultime hommage au maître disparu. Les formules de deuil reviennent fréquemment : « Israël est aujourd’hui un navire sans capitaine », « Nous sommes orphelins de notre père », la Lumière d’Israël s’est éteinte. Mais le hesped prononcé par le nouveau Richon lé-Tsion et fils du rav Ovadia, rav Its’hak Yossef chlita est le plus poignant :
« Nous sommes orphelins aujourd’hui. Le rav était notre père à tous. Notre génération a bénéficié d’un extraordinaire cadeau : depuis le Rambam et rabbi Yossef Karo, il n’y a pas eu de sages d’un tel niveau. Le monde avec Maran et sans Maran ne sera plus le même monde. La période de vie de Maran peut être comparée à celle des Tannaïm et Amoraïm (époque de la Michna et de la Guémara). Nous sommes endeuillés, mais je voudrais dire ici, ce qu’aurait été son souhait le plus grand : c’est de voir l’unité se maintenir au sein du monde sépharade. Malheur à celui qui divisera les Sépharades ».

Pendant ce temps, la foule ne cesse de grossir. À 19 heures, la police parle de 500 000 personnes présentes. À 20 heures, elles sont déjà plus de 600 000 faisant déjà alors de cette cérémonie la plus importante de l’histoire moderne d’Israël ! On annonce que l’autoroute Jérusalem-Tel Aviv est fermée et que le gaon rav Aaron Leib Steinman venu de Bné-Brak n’a pas pu arriver à temps à la lévaya.

Bien que la dépouille mortelle du rav soit encore devant Porat Yossef, le parcours que doit emprunter le cortège funéraire vers le cimetière de Sanhédria est déjà très chargé. Les ambulances du I’houd Hatzala utilisent leurs haut-parleurs pour diffuser la retransmission des hespédim et tous écoutent en silence, souvent en pleurant, les paroles des grands rabbanim.

Vers 21 heures le cortège s’ébranle péniblement. Les enfants du rav Yossef se séparent définitivement de leur illustre père et rejoignent le 45 de la rue Hakablan dans le quartier d’Har Nof, dans cette maison imprégnée de la présence et de la sagesse du rav Ovadia, mais désormais vide.

Le véhicule de la ‘Hévra Kadicha qui transporte le corps du rav progresse mètre après mètre. En passant à proximité des Institutions de la hassidout de Gour, l’Admour sort et accompagne le Aron (cercueil).

Devant le cimetière, d’importantes forces de police se sont déployées et forment un périmètre de sécurité inaccessible à tout un chacun. Pourtant certains sont parvenus à se faufiler. Parmi eux le peintre Lucien Krief : « Si je suis en Israël, c’est grâce au rav Ovadia que j’avais rencontré à Nice il y a 35 ans et qui m’a encouragé à faire mon alya. C’est lui qui m’a marié ».

Peu à peu les personnalités officielles arrivent. D’abord le rabbi de Sanz puis ensuite, Arié Derhy et Élie Ichaï. La douleur se lit sur leur visage. Malgré les cordons de sécurité, plusieurs dizaines de personnes réussissent à pénétrer dans le cimetière et se pressent autour de la tombe qui doit accueillir le corps purifié du rav Ovadia Yossef. Beaucoup rédigent des demandes personnelles avant de les jeter dans la tombe. 22 heures.

Dans le cimetière, l’effervescence atteint son paroxysme. L’entrée principale étant entourée de dizaines de milliers de personnes, le véhicule mortuaire pénètre par l’entrée arrière. Et avec lui, ils sont des centaines à l’accompagner. Finalement, le corps du rav en est extrait pour être peu après inhumé dans cette terre sainte de Jérusalem, la ville où le rav Ovadia a grandi, où il a étudié, où il a pris son exceptionnelle dimension. Il est très exactement alors 22 h 35.

Le Gaon rabbi ‘Haïm Ovadia Yossef zatsal repose en paix aux côtés de son épouse, Margalit. Une page de l’histoire d’Israël se tourne. Et dans la foule qui se disperse, beaucoup ont le sentiment d’avoir vécu des heures uniques, heures de deuil et d’élévation spirituelle et d’avoir eu l’insigne privilège de conduire l’un des plus grands sages d’Israël vers sa dernière demeure.

Que l’âme du rav ‘Haïm Ovadia Yossef zatsal repose en paix et qu’il intercède auprès du Tout-Puissant afin qu’Il protège le Peuple d’Israël.

Source : Hamodia