60 ans après, les sonneurs de Chofar reviennent au Kottel

L'histoire commence dans les années 30, à une époque où être Juif en Eretz Israël n'était pas si facile. Non contents de n'avoir pas fait grand chose pour empêcher les massacres arabes anti-juifs de 1929, les Britanniques publient toutes sortes de décrets, dont l'un des plus hautement symboliques fut l'interdiction faite aux Juifs de sonner du Chofar... près du Kotel ! « Provocation inutile » et « menace pour l'ordre public » : c'est ainsi que les fonctionnaires de Sa Gracieuse Majesté qualifient alors le son de la corne de bélier appelant la ligature de notre patriarche Its'hak sur l'autel préparé par Abraham…

Or, pour un groupe de jeunes Juifs de Jérusalem, ce décret est tout à fait insupportable et même inconcevable. Ne pas sonner du Chofar sur le seul vestige du lieu le plus saint du judaïsme ?! Impossible ! ! !

À la sortie du premier Kippour qui suit la publication du décret mandataire, Moché Ségal, âgé alors d'à peine 18 ans, se rend au Kotel, cachant sous sa veste un Chofar. La prière à peine terminée, il sonne du Chofar de toutes ses forces, bravant ainsi la vindicte des soldats britanniques. Puis, l'année suivante, il est imité par d'autres jeunes de son âge. Et l'année d'après, ils sont encore davantage…

Et voilà que durant 18 ans - en fait jusqu'à la proclamation de l’État d'Israël immédiatement suivie par la guerre d'Indépendance et le départ forcé des Juifs de la Vieille Ville de Jérusalem -, ils continueront, à la sortie de tous les Kippourim, à sonner du Chofar au Kotel malgré les menaces des Arabes et des policiers britanniques, dispersés un peu partout dans la Vieille Ville.

Nous sommes aujourd'hui en 2010. 80 ans ont passé depuis cette fameuse sonnerie effectuée par Moché Ségal. Sur ces dizaines de courageux résistants au décret mandataire, il n'en reste plus que six en vie. Or, ils se sont retrouvés la semaine dernière sur le parvis du Kotel, pour faire à nouveau retentir le son du Chofar, mais dans des circonstances bien différentes aujourd'hui… puisqu'à la place de soldats britanniques haineux, ce sont des soldats juifs qui leur ont fait honneur durant cette si émouvante cérémonie !

Ils sont aujourd'hui âgés de plus de 80 ans. Yaacov (Sika) Aharoni, par exemple, a 90 ans. Il a sonné quant à lui du Chofar près du Kotel en 1938. Et pour lui, rien de surprenant à ce qu'il n'ait jamais craint les fonctionnaires du Mandat britannique : « Nous avions le sentiment que la présence divine était avec nous ! », affirme-t-il. Comme tous les autres, à la sortie du jeûne, il fut emmené au poste de police des Anglais. Mais comme tous les autres, il y est allé la tête haute : « Pour le peuple juif, la sonnerie du Chofar est symbole de liberté, et c'est pourquoi j'étais prêt à aller jusqu'au bout », précise-t-il avec fierté.

Seul de toute sa famille à avoir survécu à la Shoah., Mordé'haï Sha'hori est monté tout seul en Israël. Il est aujourd'hui âgé de plus de 90 ans et se souvient que les organisateurs de cet acte symbolique mais parfaitement " illégal " au regard de la loi alors en vigueur lui avaient dit d'aller demander à ses parents la permission de le faire : « Mais je n'ai personne, ni père, ni mère, à qui demander », leur avait-il alors répondu. Abraham Steinberg a pour sa part rencontré son épouse au Kotel, le jour même où il a sonné du Chofar : « J'ai été impressionnée par son courage et sa détermination! », raconte-t-elle.

Quant à Abraham Elkaïm, il a été le dernier à braver les soldats de Sa Majesté puisqu'il a sonné du Chofar à la sortie de Kippour 1947, l'année qui a précédé la prise de la Vieille Ville par les Jordaniens. Mais lors de la guerre des Six Jours, le Kotel à peine libéré, il demanda à l’aumônier de Tsahal, le rav Chlomo Goren, de l'accompagner et de sonner du Chofar devant le vestige retrouvé du Temple. Là, il rencontra un homme plus âgé qui lui demanda pourquoi il avait décidé de venir ainsi sonner du Chofar au Kotel. Et Abraham de lui répondre: « Je suis le dernier à avoir accompli cette mitsva il y a vingt ans ! ». - « Et bien, moi, je suis Moché Ségal, le premier à l'avoir fait en 1930 », lui déclara alors son interlocuteur...

Source : Hamodia