Le dernier survivant

Henry Bulawko est décédé lundi 28 novembre à l'âge de 93 ans. Arrêté par la police française quand il avait 25 ans, il fut dans un premier temps interné à Drancy avant d'être déporté vers le camp d'Auschwitz en 1943. « Deux nuits et trois jours dans des wagons plombés. Nous sommes entassés à 60 là où 30 personnes tiendraient difficilement », avait-t-il témoigné au sujet de son trajet vers Auschwitz. « L'arrivée c'est quelque chose d'inattendu. Comme tout le reste, d'ailleurs. Tout à coup le train s'arrête. Les portes s'ouvrent. Des petits personnages en vêtements rayés pénètrent dans les wagons, prennent nos bagages. On pourrait porter un jugement négatif sur eux, mais je n'oublie pas qu'ils nous murmuraient des conseils à l'oreille 'ne dis pas que t'es médecin, mets-toi à gauche...', ceci, cela. Ils disaient aux femmes de s'écarter de leurs enfants, car ils savaient qu'elles iraient tout de suite à la chambre à gaz. Mais quelle mère aurait pu l'accepter? » « Derrière eux, des SS, mitraillettes pointées sur nous et des cris - Los, raus, alles raus, Los (Vite, dehors, tous dehors, vite). »

Cet immigré d'Europe de l'est survivra 18 mois à l'horreur des camps, ainsi qu'à la marche de la mort vers l'Allemagne. Il survit à cette épreuve en s'enfuyant sur le chemin et en se cachant dans la forêt à l'approche des armées soviétiques. Dès son retour en France, Henry Bulawko devint un militant du devoir de mémoire. Il présida l'Amicale des Déportés d'Auschwitz et des Camps de Haute-Silésie et l'Association des Anciens Déportés Juifs de France, Internés et Familles de Disparus. « De retour à Paris, j’ai créé la première amicale des déportés. Nous avions besoin de nous rassembler. Et puis, il ne fallait pas oublier pour mettre les peuples à l’abri de tels drames », expliquait-t-il en 2005, lors de l’inauguration Mémorial du martyr juif inconnu. Il fut également un membre actif au sein du mouvement de jeunesse juif sioniste socialiste Hachomer Hatzair et plus tard vice-président honoraire du Crif. Il reçu des mains du président Chirac en 2005 la médaille de Grand-Officier de la Légion d’honneur. C'est l’un des derniers grands témoins de l'histoire qui vient de s'éteindre et avec lui l’un des derniers survivants de la Shoah. Selon deux journalistes de Guysen qui avaient eu l’occasion de le côtoyer, Henri Bulawko était une véritable « encyclopédie de l’humour juif » et un homme proche de la jeunesse, toujours prêt à venir témoigner dans les écoles, les mouvements de jeunesse et les conférences, malgré son âge avancé. Nos pensées vont vers ses proches et sa famille dont nous partageons aujourd'hui la douleur.

Source : Guysen International News