Par Rav Aharon Bieler
Dans l’histoire d’Israël, certains hommes ont incarné à eux seuls la fidélité absolue à la Torah et à D.ieu. Leur vie, comme leur mort, a tracé un chemin de lumière au cœur de l’exil et de la souffrance. Parmi eux, nul n’a marqué les esprits autant que Rabbi Akiva, maître du Talmud et gardien de la tradition.
Le Talmud rapporte qu’au moment où Moïse monta sur le mont Sinaï pour recevoir la Torah, D.ieu lui montra une vision d’un homme d’une sagesse et d’une sainteté sans égales : Rabbi Akiva, qui vivrait bien des générations plus tard. Émerveillé, Moïse s’exclama :
« Maître de l’univers, avec un homme pareil, c’est à moi que Tu donnes la Torah ? »
Et D.ieu lui répondit :
« Tais-toi. C’est ainsi que J’ai décidé. »
Moïse demanda alors à voir la récompense de ce sage. D.ieu lui fit tourner le regard… et il vit le corps de Rabbi Akiva, torturé par les Romains. Horrifié, il s’écria :
« C’est la Torah, et c’est sa récompense ?! »
Et D.ieu répéta :
« Tais-toi. »
Le maître qui enseigna jusqu’au dernier souffle
Rabbi Akiva vécut à une époque où l’Empire romain voulait effacer toute trace du judaïsme. Conscient du péril, il entreprit de sauver la Torah orale en l’organisant, la structurant et en la transmettant à ses disciples. Grâce à lui, la parole du Sinaï put survivre à la persécution et traverser les siècles. Ses élèves – Rabbi Shimon bar Yohaï, Rabbi Meïr Baal HaNess et bien d’autres – assurèrent la continuité d’un peuple et d’une foi.
Mais cet engagement héroïque lui coûta la vie. Pour avoir enseigné la Torah en public, Rabbi Akiva fut arrêté et condamné à une mort atroce. Les Romains, voulant briser la foi d’Israël, le torturèrent avec des peignes de fer. Pourtant, au milieu de ces souffrances, son visage demeurait lumineux, presque souriant.
Ses disciples, bouleversés, lui demandèrent :
« Rabbi, comment peux-tu sourire dans un moment pareil ? »
Il leur répondit doucement :
« Toute ma vie, j’ai récité le Shema : “Tu aimeras l’Éternel ton D.ieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force.”
J’ai toujours compris que “de toute ton âme” signifiait : même au prix de ta vie.
J’ai attendu le moment où je pourrais accomplir ces paroles.
Ce moment est venu. »
Alors, dans un souffle, Rabbi Akiva prononça les mots :
« Shema Israël, Hachem Elokeinou, Hachem E’had » –
« Écoute, Israël, l’Éternel est notre D.ieu, l’Éternel est Un. »
Et son âme quitta ce monde dans une union parfaite avec Celui qu’il avait servi et aimé toute sa vie.
Le Talmud enseigne que, dans les hauteurs du Ciel, réside l’âme de Rabbi Akiva, entourée de celles de tous les justes qui, à travers les âges, ont donné leur vie pour le simple fait d’être juifs.
La leçon éternelle de Rabbi Akiva
L’histoire de Rabbi Akiva n’est pas seulement celle d’un martyr. C’est celle d’un homme dont la vie entière fut un acte d’amour pour D.ieu. Sa mort ne fut pas une tragédie, mais l’accomplissement suprême des mots qu’il prononçait chaque jour : aimer D.ieu de tout son être.
Par son sourire au moment de mourir, Rabbi Akiva enseigne que la foi d’Israël ne se fonde ni sur la peur ni sur la résignation, mais sur une fidélité joyeuse et lucide. Il rappelle que l’unité avec D.ieu transcende la mort elle-même — et que cette unité, proclamée dans le Shema Israël, demeure le cœur battant du peuple juif à travers les générations.