Les extra-terrestres vus par la Tora : seconde partie

La perception de l'homme

Concernant sa dignité, son importance, l'homme a une façon paradoxale de s'apprécier: il se voit d'une part comme très important ; il l'est, mais aussi comme peu de chose, et il l'est aussi !

Le Roi David, dans les psaumes (chap. 8) s'exprimait ainsi: "Lorsque je contemple Tes cieux, oeuvre de Tes doigts, la lune et les étoiles que Tu as édifiées... Qu'est donc l'homme que Tu t'en souviennes, le fils d'un mortel, que Tu te le rappelles ? "Sentiment partagé par tous à l'observation du firmament, sentiment d'oppression, d'immensité pesante...

Et David poursuit: "Pourtant Tu l'as fait à peine inférieur aux êtres divins; Tu l'as couronné d'une âme et de splendeur ! Tu lui as donné l'emprise sur les oeuvres de Tes mains et tout mis sous ses pieds...". Sentiment de petitesse d'une part, de grandeur d'autre part.

Si notre humanité sait où se situer, sait reconnaître ses propres valeurs; si elle est persuadée que D-ieu s'est dévoilé dans ce monde pour nous donner un message, que celui-ci est parfaitement assimilé, alors aucune peur, aucune appréhension ne peut envahir cet homme là. Nous pouvons parler là d'un problème anthropocentrique.

Le Code des Lois juives (Halakha) ne parle que des activités terrestres, et la Tora a été donné pour ce monde-ci. Un juif situé dans un véhicule spatial tournant autour de la terre et qui verrait 30 fois par 24 h le jour se lever, devrait-il faire autant de fois sa prière du matin ?
Nos sages ont répondu: la référence est la Terre, et il se basera sur le rythme terrestre uniquement. L'unicité même de l'homme sur Terre, ou son caractère original ont été sévèrement mis en cause par certains milieux scientifiques.

Il n'y aurait qu'une différence quantitative entre l'homme et l'animal. Raisonnement trompeur.

Toute matière est formée d'atomes, tous les atomes sont composés d'énergie en quantité variable, cette variabilité même engendrant la différence.

Nous pensons qu'il y a, au moins, une différence entre l'homme et l'animal: le premier peut retirer une satisfaction d'ordre spirituelle de ce qu'il comprend. C'est une différence qualitative et pas seulement quantitative.

La recherche de la Vérité

Le Rav Dessler (Mikhtav Mé Eliyahou I, page 283) expose ce conflit à un autre niveau, celui de l'homme même: il doit sentir son existence, savoir qu'il est réel, présent, un être à part entière, mais être conscient en parallèle de sa petitesse. Sa recherche doit tendre vers un équilibre entre les deux. L'humilité doit être sa façon d'aborder le monde, et non l'humiliation.

Il considérait que toute l'aspiration de l'homme devrait être de se renouveler constamment, d'être en permanence à la recherche de ses manques; l'homme ne vit que dans la mesure où cette recherche existe en lui, l'absence de sensation de manque révélant simplement sa non-existence.

Toute la Tora "est aujourd'hui sur ton coeur" (Deut. 6/6) : elle doit être une recherche permanente de la vérité, une remise en question constante de l'homme pour lui permettre de s'élever au dessus de son être animal ou pulsionnel.

Au delà de l'unicité de l'homme, la science tente, par d'autres recherches, de remettre en cause l'unicité de D’. Vouloir transformer la matière brute en matière vivante n'est-il pas le rêve scientifique le plus vieux de l'humanité ? Mais la capacité de créativité de l'homme n'a aucun rapport avec la Béria ou création ex nihilo par laquelle D. a fait exister la matière.

L'homme évidemment, a le droit et parfois le devoir d'être créatif, mais toujours dans le cadre de ses responsabilités éthiques et morales. La Tora nous encourage à cette créativité lorsqu'elle évoque l'histoire de la création en ces termes: "Qu'Il avait crée pour faire" (Hirsch. Genèse 2/3).
L'homme juif sera en même temps stimulé et freiné par la Halakha qui est un code de loi mais aussi la définition des limites à ne pas dépasser dans tous les domaines.

Le danger essentiel guettant l'homme de science, pour qui seul le résultat scientifique compte, est de se laisser griser par l'attitude destructive décrite par nos sages :

"אמרת בלבבך: כוחי ועוצם ידי עשה לי את החיל הזה" - "C'est ma force et la puissance de mon bras qui m'ont acquis cette réussite". (Paracha Ékev 8/17)  

Toute réussite n'est que le résultat de nos propres efforts, l'homme est le véritable maître du monde. C'est là le danger réel auquel l'homme est soumis dans sa capacité de création. Les exemples cités par la Tora sont nombreux, la Tour de Babel en étant le plus spectaculaire.

C'est pourtant à partir de l'acte simple de Mitsva, à partir des lois de la vie quotidienne, que l'homme peut atteindre à la compréhension ultime et éviter le risque intellectuel cité auparavant.

 

Maïmonide, dans son Code des lois (Michné Tora Hilkhote Yésodé Hatora 4/13) exprime clairement cette idée : "Tout ce qui précède concerne les 4 niveaux de compréhension (Pardès) du texte biblique. Moi je dis qu'il n'est pas convenable de se promener dans le Pardès (qui signifie aussi jardin), sauf pour celui qui a été rassasié par le pain et la viande. Pain et viande signifient de savoir ce qui est permis et interdit, d'embrasser toutes les Mitsvote.

Et bien que nos sages aient nommés ce savoir là petites choses (à propos des lois de la vie quotidienne), les grandes choses concernant la vision du chariot divin (Ma'assé Mérkava); ces petites choses permettent d'atteindre une tranquillité d'esprit qui autorise ensuite une avancée plus ouverte et équilibrée vers des horizons plus larges et plus profonds.

Ces sujets simples émanent également de la grande bonté d'Hachèm, qui a permis aussi aux occupants de ce monde de pouvoir acquérir le monde futur. Et tous sont aptes à les comprendre, les petits et les grands esprits, hommes et femmes, les hommes de coeur aussi bien que ceux qui ne le sont pas."

Le Rambam fixe donc d'après la Halakha des limites au pouvoir intellectuel de l'homme. Il y aurait une deuxième éventualité à cette tentative de remise en cause de l'unicité de D. qui découlerait de la découverte d'une vie ailleurs.

Mais D-ieu est concerné, de toute manière, par l'homme; la philosophie juive se situe entre la philosophie grecque et l'idolâtrie la plus pure. Cette dernière personnifie la divinité: tandis que les grecs placent leurs dieux très loin en dehors du monde.

Le D-ieu de la Tora est les deux à la fois: il est partout et pourtant concerné par l'homme, il est ici-bas et dans les plus hautes sphères, il est immanent et transcendant. Il peut être présent mais se retirer aussi en une contraction (Tsimtsoum) permettant ainsi la création du monde.

Ce paradoxe apparent se retrouve pourtant vécu dans notre réalité quotidienne dans ces deux aspects de la présence divine.
Le Zohar nous dévoile que cette double personnalité se retrouve dans le langage emprunté par les anges pour louer D-ieu en permanence, et que nous citons au moins deux fois par jour dans la Kédoucha: "Kadoch, Kadoch, Kadoch... Mélo Kol Haarèts Kévodo"
D'une part, D'autre part le mot Kavod (gloire), manifeste sa présence glorieuse dans toute la création: "Mélo Kol Haarèts...".

Le Zohar a une présentation cabalistique de cette idée: D-ieu est à la fois "Mémalé Kol ‘Almine" et "Sovev Kol ‘Almine". Il remplit tous les mondes (sphères) et les entoure en même temps, les comprend en Lui.

Les textes tirés de la Tradition

L'affirmation de l'unicité de l'homme apparaît dans plusieurs textes, semblant signifier que tout a été créé pour l'homme.

Maïmonide (Le Rambam), par contre, apporte une contradiction certaine, montrant que rien n'a été crée pour l'homme si ce n'est la végétation terrestre; selon lui, toute chose existe pour elle-même.

Il relève dans la Genèse, tous les passages où D. vit que c'était bien, et, constate qu'une chose est jugée bonne lorsqu'elle l'est par elle-même, dans l'absolu. Ce qui fait dire à certains commentateurs que, pour le Rambam, l'existence d'extra-terrestres est possible, même si dans son Pirouch Hamichnayote, il affirme que tout ce qui existe sous le cycle lunaire a été crée pour l'homme (ce qui implique, d'ailleurs, clairement l'indépendance de l'homme par rapport à toutes les créatures ou sphères spirituelles et par rapport à toute existence physique hors de notre système lunaire).

Ce paradoxe est également résolu par un exemple choisi par le Rambam lui-même lorsque D. ordonne à l'homme de dominer les animaux, cela veut-il dire que ces derniers ont été créés pour lui ?

Il répond par la négative : D. a créé l'homme de telle sorte que, par sa nature, simplement, il en arrivera à dominer l'animal. De la même façon, les luminaires n'ont pas été créés dans le seul but d'éclairer, jour et nuit la Terre, le texte biblique soulignait seulement leur utilité pour l'homme.

Il en est ainsi pour toute la création: elle est oeuvre de D., et toutes ses volontés ne nous sont pas connues; le but ultime de toute chose nous reste caché: même si l'utilité en paraît parfois évidente.

Rabbi Yéhouda Bèn Barzilaï de Barcelone pense, au 12ième siècle, que l'existence d'extra-terrestres ne pose pas de problèmes. Il est suivi par Rabbi Hasdaï Creskas qui affirme que rien dans la théologie juive ne contredit la possibilité d'une vie extra-terrestre.

La Guémara de ‘Avoda Zara 3b semble aller dans ce sens: A quoi D-ieu est-il occupé durant la nuit ? Il est répondu: Il est occupé à traverser les 18 000 mondes ! Des mondes spirituels pour certains, de vrais mondes pour d'autres.

Un verset tiré des psaumes (145/13) semble aller dans ce sens: "Ta royauté règne sur un royaume englobant tous les mondes". Mais peut-être s'agit-il ici aussi de mondes spirituels?

Rabbi Yossèf Albo émet l'opinion opposée (dans les ‘Ikarim, cités dans le Séfèr Habérite 1: 3/4). Puisque l'univers a été créé pour les besoins de l'homme, aucune autre créature douée de libre-arbitre ne peut exister.

Du fait qu'aucune vie extra-terrestre n'aura jamais de libre-arbitre ou ne pourra jamais servir à une telle créature, elle n'a aucune raison d'exister car elle apparaîtrait comme totalement superflue. Entre ces deux extrêmes, on trouve l'opinion du Séfer Habérite (1: 3/3) qui note comme possible l'existence d'une vie extra terrestre, mais sans libre-arbitre.

La preuve apportée est plus ingénieuse. Dans le livre des Juges, il est raconté à propos de Débora, juge et prophète, qu'elle composa un chant après la victoire sur Sissra. Elle y maudit les habitants de Méroz qui ne sont pas venus aider les enfants d'Israël. Mais qui est Méroz ?

Dans le talmud (Mo'èd Katane 16a) on découvre une opinion expliquant que Méroz est le nom d'un astre !
Il apparaît clairement l'existence d'une vie extra-terrestre selon cette opinion. Pour le Zohar (3/269 b) même si l'on admet que Méroz est un astre, la mention de ses habitants signifierait simplement les planètes l'entourant.

De toutes façons, il ne s'agirait tout au plus que d'habitants sans libre-arbitre, et pour lesquels aucune influence astrale favorable n'a pu intervenir pour les décider à venir en aide à Débora.

Le Séfèr Habérite affirme de toute manière l'existence, d'après le verset des Juges, de l'existence d'une vie extra-terrestre, mais qu'il ne faut en aucun cas espérer la voir ressembler à la vie terrestre.

Il ajoute que cette forme de vie extra-terrestre peut avoir une intelligence, elle n'est certainement pas douée de libre-arbitre. Ce dernier est un attribut exclusif de l'homme, à qui la Tora a été donné. Le Séfèr Habérite appuie son argumentation sur la Guémara Bérakhote (32b) qui atteste que toutes les étoiles de l'univers ont été créées pour les besoins de l'homme.

On pourrait demander, à propos des habitants de mondes extra-terrestres, tels que Méroz, s'ils n'ont pas de libre-arbitre, pourquoi ont-ils été maudits ? On trouve que certains êtres, tels les anges, peuvent être punis s'ils commettent des erreurs bien qu'ils n'aient pas de libre-arbitre. L'exemple des anges de Sodome est, à cet égard, révélateur (cf. Rachi sur Genèse 3/6).

L'éminent Kabbaliste, Rabbi Moché Cordovero, élève du Ari Zal, dans son Pardès Rimonim (2/7), soutient ce principe de base: seul l'homme possède un libre-arbitre. Employant des arguments d'une logique surprenante, il démontre qu'il ne peut y avoir qu'un seul monde spirituel.

Même si D-ieu voulait augmenter le nombre de récipients prêts à recevoir Sa bonté, son Unicité et son Unité exclurait l'existence de plus d'un monde de ce type. Ceci, du fait que ce type de monde est relié spécifiquement à la providence divine vis à vis de l'homme et son libre-arbitre, excluant aussi également l'existence d'autres espèces partageant ces qualités.

Le Zohar soutient fermement l'existence d'une vie extra-terrestre. Le Midrach (Vaïkra Rabba 29/9) enseigne qu'il y a sept terres séparées par un firmament et toutes habitées. (Zohar 3/10 a). Bien qu'elles ne soient pas peuplées d'êtres humains, elles sont le domaine de créatures intelligentes. (Zohar 1/9 b et 1/157 b).

On retrouve donc la thèse développée par le Séfèr Habérite : l'existence d'autres formes de vies intelligentes dans l'univers est possible, mais celles-ci n'ont pas de libre-arbitre, et donc, n'ont pas de responsabilités morales. Contrairement à l'homme, qui lui, a reçu de D. cette responsabilité et possède donc incontestablement cette possibilité de libre-arbitre.

Revient la question : si de telles créatures n'ont aucune utilité pour l'homme, quelle est leur raison d'être ? Le Tikouné Zohar l4 b (composé par l'auteur même du Zohar) offre une réponse surprenante à cette question.

Traitant du verset (Cantique des Cantiques 6/8): Des mondes innombrables, il explique que les étoiles sont certainement innombrables. Mais chaque étoile est appelée un monde séparé. C'est de cela qu'il s'agit lorsque qu'il est écrit Des mondes innombrables.

Le Tikouné Zohar ajoute que chaque Tsadik (Juste) régnera sur une étoile, et aura ainsi un monde pour lui seul. Les 18.000 mondes mentionnés plus haut, et à travers lesquels D-ieu se déplace, représenteraient ces étoiles, dirigées par les 18.000 Justes dont il est fait allusion dans le verset d'Ezechièl (48/35) : Autour de Lui sont 18.000 (Soukka 45 b). Et de quelle façon ces Justes sont-ils transportés sur ces étoiles ?



Le Talmud rapporte le verset suivant (Isaïe 40/31) : "Ils y parviennent à l'aide d'ailes comme des aigles"!

En conclusion

1) Dans la recherche à tout prix d'une vie extra-terrestre par certains scientifiques, il faut évaluer la volonté sous-jacente de se désengager de certains devoirs moraux, éthiques ou religieux. Peut-être une vie ailleurs, une autre vie, et l'on peut vite oublier D., la Tora et les commandements...

2) Les extra-terrestres existent-ils finalement ? Probablement oui, peut-être pas... mais cela est-il vraiment important pour nous ? Cela changerait-il quoi que ce soit au niveau de nos actes, des Mitsvote, de notre façon de concevoir le Créateur et son univers ?