Le départ des Juifs de Syrie s'inscrit dans l'exode des communautés juives du monde arabe au XXe siècle. Présents depuis des millénaires, notamment à Alep et Damas, les Juifs syriens ont prospéré malgré des périodes de persécutions. Toutefois, la création de l'État d'Israël en 1948 a marqué un tournant. Subissant discriminations, violences et restrictions, beaucoup ont fui vers Israël, les États-Unis ou l'Europe. Dans les années 1990, les pressions internationales ont permis aux derniers Juifs de Syrie d’émigrer. Aujourd'hui, la communauté syrienne juive survit en diaspora, perpétuant ses riches traditions et son héritage culturel unique.
En janvier 2000, Youssef Jajati, Président de la communauté juive de Syrie, est photographié dans la synagogue de Joubar qui remonte à l'an 718 avant l'ère commune.
Au cours des trois dernières décennies, les quelques milliers de juifs restants en Syrie se réduisent, départ après départ, décès après décès, jusqu’à atteindre une vingtaine en 2019. Impossible pourtant d’obtenir un chiffre exact.
A damas en 2018 il ne restait que 17 juifs. Déjà à cette époque, le peuple syrien, opprimé et massacré par la dictature de Bachar El Assad tentait de se soulever. Pourtant les derniers fidèles de la communauté espéraient encore voir leur synagogue retaurée.
En septembre 2022, Albert Kamou, l’un des cinq derniers Juifs de Syrie et président de la communauté juive s’éteint à l’âge de 80 ans, a rapporté le journal libanais L’Orient-Le Jour.
Né et mort à Damas, il s’était donné pour tâche d’entretenir les cimetières juifs de la ville et de déblayer devant la synagogue. Il faisait le pont entre la très petite communauté et le monde extérieur : les organisations internationales ou les journalistes qui voulaient en savoir plus sur cette communauté, dont l’histoire se transmet de bouche à oreille.
Albert Kamou n’avait jamais quitté la ville, alors que la majeure partie des membres de la communauté juive syrienne avaient pris le chemin de l’exil il y a des décennies, pour Israël ou pour le Liban (encore stable et pacifique), face aux tensions et aux extrêmes violences auxquelles ils ont fait face dans leur pays après la création de l’État d’Israël.
Il était le représentant « officiel » de la communauté depuis 2006, et s’est toujours fait discret. Il avait néanmoins fait une exception en 2019, pour la version arabophone de la chaîne britannique BBC, s’exprimant sur le passé et l’histoire de la communauté, et explorant quelques-uns de ses vestiges, dont l’ancienne synagogue Elyahu, aux côtés de sa sœur, Rachel, elle aussi restée en Syrie.
Dans l’interview, il s’exprimait également sur les violences subies par la communauté.
Dans la région, les juifs de Syrie ont été parmi les plus ciblés par les violences qui ont émergé à partir de 1948, au lendemain de la création de l’État hébreu. « Il existe, au sein du mouvement nationaliste arabe des années 40, une composante antijuive d’origine religieuse qui gagne en influence avec la Nakba. Mais la Syrie est le seul pays où l’on peut parler de violences généralisées au sens plein du terme », explique l’essayiste Dominique Vidal, auteur, avec Alain Gresh, de l’ouvrage Proche-Orient : une guerre de cent ans (éditions sociales, 1982).
« Le pouvoir a commencé à nous associer à la cause palestinienne [après 1948] », a-t-il expliqué. « Ils nous ont dit que nous étions la cinquième colonne, ont restreint nos libertés. Alors forcément, pour un jeune de 15-20 ans, il est devenu difficile d’accepter de rester enfermé de la sorte. Il nous était interdit de nous éloigner à plus de 5 kilomètres de Damas, il n’y avait plus de travail, pour beaucoup de gens, la situation était devenue trop gênante. »
En 2019, il indiquait que la communauté comptait une vingtaine de personnes, « quelques individus par-ci, par-là, ça ne vaut plus la peine de faire un recensement, nous nous connaissons entre nous ».
Fin 2024, seuls quatre Juifs résident encore en Syrie - trois hommes et une femme, tous âgés et vivant à Damas, selon un rapport du JJAC (Justice pour les Juifs des pays arabes). "Ils ont leurs maisons et ne veulent pas partir. Ils sont habitués à la vie là-bas", explique le rabbin Abadi. "Ils n'ont pas craint la révolution en Syrie ni la chute d'Assad. Ils pensent qu'on ne leur fera pas de mal."
Le rapport du JJAC retrace l'histoire douloureuse de l'exode des quelque 30 000 Juifs de Syrie au siècle dernier. Sylvan Abitbol, co-président de l'organisation, souligne : "La Syrie abritait une communauté juive ancestrale, avec des preuves archéologiques d'une présence continue dans des villes comme Damas et Alep, où parfois le nombre de Juifs dépassait celui de la Terre d'Israël."
La situation s'est considérablement détériorée à partir des années 1930, avec la montée des mouvements nationalistes arabes. Entre 1943 et 1958, la population juive est passée de 29 770 à moins de 5 400 personnes. En 1991, il ne restait que 100 Juifs en Syrie.
"Pendant 75 ans, le monde a ignoré l'expulsion massive de plus de 850 000 Juifs des pays arabes", déclare le Dr Stanley Urman, vice-président de l'organisation. Abitbol ajoute : "Alors que la communauté internationale se concentre sur les réfugiés palestiniens, il est important de rappeler que les réfugiés juifs de la région ne sont pas moins importants."