Palais de justice de Paris
Il peut arriver facilement que des Juifs se trouvent en opposition sur des problèmes financiers ou se confrontent sur des différends concernant leurs entreprises. Que font-ils alors ? Sans doute par ignorance de l’interdiction d’une telle démarche, nos coreligionnaires sont facilement capables de se lancer l’un à l’autre des lettres d’avocats et des convocations en justice. Or, comme nous allons le voir, ce n'est pas évident.
Le Maharil Diskine (Pessakim 20) permet en revanche d’envoyer une lettre à la partie opposée pour la menacer d’entreprendre une telle démarche devant le tribunal civil, si l’option du tribunal rabbinique n’est pas acceptée, car ceci n’est qu’une menace en l’air. D’après cet avis, il est interdit de demander à un avocat d’envoyer une lettre menaçant de poursuites devant le tribunal si l’autre ne répond pas à sa plainte ou refuse d’aller au Bèt Dine. En conséquence, dans des cas de cet ordre, et que l’autre ne tient pas compte de la plainte, il est conseillé de demander à l’avocat d’éviter de parler ouvertement d’instances civiles dans sa lettre, mais de dire que, s’il ne répond pas à sa plainte, son client usera de tous les moyens en sa possession (s’il peut préciser que cela sera fait selon le Dine Tora, c’est bien entendu plus valable). Dans le cas où les deux parties ont convenu à l’avance que tout conflit sera porté devant des instances civiles, peut-on dire qu’alors la chose est permise ? Le Roch dans ses responsa (18,4 - rapporté dans le Choul'hane 'Aroukh id., 3) répond que dans ce cas-là également une telle démarche est interdite : un tel accord est interdit, et ne peut être respecté (voir toutefois Sma' et Nétivote, et Toumim chap. 4). S’il se mettait à jurer qu’il n’est prêt qu’à se présenter devant une instance civile, le serment est vain (Maharam Alchikh chap. 26, Chakh chap. 5). Si cette affaire a été consignée dans un contrat entre les deux parties, et que la personne qui est assignée a donné son accord à l’autre d’aller au tribunal civil, malgré cela l’autre n’aura pas le droit d’agir ainsi. d’un pays (« Dina démalkhouta Dina »), mais conclut que cet argument n’est pas valable, d’après une réponse du Rachba, lequel écrit explicitement que si un roi décrète que seule la juridiction civile est valable, les juges juifs n’ont pas à se soumettre à une telle décision (conclusion du Rama ‘Hochèn Michpate 369, et Sma‘ chap. 21). Le Midrach Tan’houma (début de Parachate Michpatim) ajoute qu’un Juif n’a pas le droit de dire à non Juif de venir avec lui devant ses instances civiles ! De la même manière, il est interdit d’accepter un arbitrage dans de telles conditions. Mais il est des cas où un litige peut être présenté devant un tribunal civil ou devant un arbitre non juif, ainsi que nous allons le voir dans la suite.
La première partie a été consacrée à l’interdiction de se présenter, pour deux plaignants juifs, devant des instances non juives. Nous voulons préciser ici, les cas où une telle démarche peut tout de même être envisagée. Notons bien qu’il ne s’agit ici uniquement que d'une situation où deux Juifs sont en conflit. La Halakha considère en fait diverses situations dans lesquelles on peut envisager de présenter devant une instance non juive un différent opposant non seulement un Juif à un non Juif, mais même dans le cas d’une affaire opposant deux Juifs (l’un contre l’autre). Voyons dans quelles occurrences cela est envisageable. Dans certaines occurrences, il faut en toute urgence qu’une saisie soit prononcée, afin d’empêcher l’autre partie de passer à l’acte et de fixer une nouvelle situation, ou de s’enfuir, ou de cacher les biens ailleurs. Peut-on alors faire appel au tribunal civil juste pour entraver des conduites de cet ordre, sans nullement demander que l’affaire ne soit portée devant le tribunal pour y être jugée ? Si la situation le permet, il est évidemment mieux de commencer par présenter l’affaire devant le Bèt Dine, qui, lui, jugera si la démarche est justifiée et la permettra le cas échéant. En revanche, s’il est impossible d’attendre, il sera possible de demander l’arrêt des travaux ou la saisie des objets, puis de suite il faudra entreprendre une démarche au Bèt Dine, pour éclaircir la situation. Si l’autre partie refuse, à ce moment-là, il sera possible de demander l'autorisation de se présenter devant le tribunal civil (Iguérote Moché ‘Hochèn Michpate chap. 2 par.11). Bien entendu, si l’autre partie accepte d’écouter le Dine Tora, il faudra juste demander au Bèt Dine d’intervenir pour faire cesser les travaux ou pour bloquer la situation. Lorsque la situation est inverse, que c’est la personne religieuse qui, elle, est convoquée par un coreligionnaire devant des instances civiles, il est permis de se rendre devant le tribunal civil pour sauver son argent, ou pour faire lever une saisie (Késsèf hakodchim ‘Hochèn Michpate chap. 26). C’est vrai qu’il vaut mieux demander autorisation au Bèt Dine, mais ce n’est pas obligatoire. Dans le cas où une personne a obtenu le droit d’aller au tribunal civil, et que cela lui a occasionné de grandes dépenses en avocats et autres du fait de cette affaire, elle peut, si elle a gagné son procès, exiger également le remboursement des frais engagés (Rama 14,5). Si, par contre, cette personne n’a pas demandé autorisation à se présenter devant le tribunal civil, elle ne pourra pas exiger ce remboursement (‘Érèkh Chaï chap. 26). Dans tous les cas, si le tribunal civil a condamné à payer plus que ce que le tribunal rabbinique aurait décidé, il se peut que l’objet ou l’argent soit considéré comme un vol selon la Tora, et il faudra demander aux juges religieux la conduite à tenir. Il se peut qu’il faille rendre l’argent ainsi reçu. Il arrive que l’on ait besoin d’une évaluation de la valeur d’un objet, ce que peut faire un tribunal civil. Il est permis de faire appel à eux, car ce n’est en aucune façon un jugement qui sera de la sorte rendu. ![]() Dans le cas des tribunaux du travail, fondés afin de résoudre les conflits entre les employés et leurs patrons, dès qu’ils sont obligés de suivre les lois de l’Etat, ils sont considérés comme des instances juridiques dans le plein sens du terme, et il n’est pas permis de se présenter devant eux lorsque le conflit concerne deux Juifs. Mais dans un lieu de travail spécifique ou entre deux commerçants, on trouve des instances indépendantes des lois de l’Etat (des prud’hommes) qui ne suivent que les règles qui règnent dans le domaine du commerce ou des relations dans les entreprises. Quand on est amené à présenter une demande d’indemnité de la part d’une compagnie d’assurances, même si cette dernière n’accepte pas de se rendre devant un Bèt Dine, il faut commencer la procédure en l’assignant devant une telle instance, et seulement après cela il sera possible de demander autorisation de faire appel aux tribunaux civils pour obtenir le paiement de ce que la compagnie d’assurance s’était engagée à payer. Si l’on hésite, on pourra par la suite présenter devant les juges du Bèt Dine la décision du tribunal civil et leur demander leur avis. On pourra de la sorte avoir l’esprit tranquille (Téchouvote véhanehagote III, 445). Tout ceci laisse encore de la place pour se demander comment il faut se conduire dans des cas où il faut se plaindre à la police, ou à la municipalité, ou au tribunal afin de sauver ses biens, bien que les conséquences de cette plainte puissent être très graves pour la personne contre laquelle elle est portée.
![]() Concile de Dayanim Tout litige entre Juifs peut être jugé par un Bèt Dine. En revanche, il n’est pas a priori permis de se tourner vers des instances civiles dans de telles situations. Toutefois, il existe certains cas qui pourront être portés à la connaissance d’autorités non juives telles que la police, ou des commissions de recours municipales ; c’est ce que nous allons évoquer plus loin. Dans le cas de conflit avec un non Juif, il est préférable de se présenter devant un Bèt Dine, mais rares sont les non Juifs qui acceptent une telle option ! Dans ce cas-là, le Juif a le droit de porter l’affaire devant un tribunal non juif, afin de ne pas subir de préjudice (Tachbèts IV, 6). Dans l’autre sens, si un non Juif entame une procédure contre un Juif devant un tribunal civil, il est permis au Juif de s’y rendre. En effet, si l’une des parties ne se présente pas, elle perdra probablement son procès et en sera donc lésée. Cette conséquence fâcheuse justifie que l’on puisse aller se défendre devant une juridiction non juive. C’est aussi la raison pour laquelle il est permis d’aller témoigner en faveur d’un Juif cité en justice civile par un non Juif, et ce, même de façon volontaire. S’il s’agit de témoigner contre le Juif, mais que l’on a été convoqué par le tribunal civil, cela reste permis à corps défendant, puisque l’on risque d’être inquiété si l’on refuse de témoigner. En revanche, si l’on est en présence d’un litige entre deux Juifs, et que l’une des parties a porté l’affaire devant une instance civile sans avoir au préalable obtenu l’autorisation d’un Bèt Dine (cf. plus loin les cas où cela peut s’obtenir), il sera interdit à un tiers Juif de témoigner en faveur de celui qui a préféré une telle instance puisque la démarche de ce Juif était illicite (Rav Élyachiv). Toutefois, dans le même cas, si c’est le tribunal qui convoque un Juif pour qu’il témoigne, il sera tenu de venir déposer à la barre. ![]() Bèt Dine de Casablanca Bien entendu, si le témoignage qu’il peut apporter est en faveur de la personne qui a été attaquée en justice dans de telles conditions, il lui sera bien entendu permis d’aller témoigner. Un avocat juif censé représenter un Juif ayant porté un litige contre un autre Juif devant une juridiction civile ne pourra effectivement le faire que si le Bèt Dine l'en a autorisé. En revanche, il pourra toujours défendre un Juif attaqué par un autre Juif devant un tribunal civil. Dans un litige opposant deux Juifs, il reste interdit de se présenter devant une juridiction civile même si cette dernière propose un règlement à l’amiable. En revanche, on peut faire appel à un arbitre ou médiateur, dans la mesure où ce dernier donnera un avis de bon sens, et non une décision issue de lois fixes (‘Aroukh Hachoul’hane 22, chap. 8, selon le Chakh chap. 15). En conséquence, on peut contacter un avocat par exemple, que celui-ci soit juif ou non, pour qu'il serve d'arbitre dans une affaire (cette question nécessite réflexion quand elle concerne des séfarades, selon l’avis du Bèt Yossèf dans le cas d’une personne non juive - voir ‘Hochèn Michpate 22,2). De nombreux litiges civils ont pour origine des querelles de voisinage. Les dispositions municipales, qui ont force de loi, doivent être respectées (Minhag hamédina), dans la mesure évidemment où elles ne vont pas à l’encontre de la Halakha. Dans le cadre de ces lois, un litige entre voisins doit être porté devant un Bèt Dine. Il est toutefois possible de se présenter devant une juridiction civile, en général municipale, composée dans le but de résoudre des conflits entre voisins, à condition qu’il n’y ait pas prétention, de la part de ces juges de s’opposer ouvertement aux lois de la Tora, et seulement quand la validité d’une instance toranique n’est pas reconnue par la municipalité (Chévèt halévi 10,263). Dans le cas particulier des permis de construire, il est possible de déposer des recours en contestation devant des comités préposés à cela. Dans quelle mesure un Juif a-t-il le droit de s’y présenter ? Là encore, si le silence ou l’inaction risque d’entraîner un préjudice certain, on aura le droit de faire appel à ce type de comités. En revanche, si cette action est engagée pour se venger d’un voisin, il s’agit alors d’une dénonciation pure et simple, et en tant que telle elle st interdite. Ceci est valable également si la municipalité est gérée par des Juifs. Prenons un cas concret : il arrive qu’un voisin s’installe sur une partie commune pour y agrandir son propre bien. Si les voisins font savoir leur opposition, et que ce premier passe outre, il est préférable de se diriger vers le Bèt Dine pour régler ce différent. Si ce voisin refuse de se rendre au Bèt Dine ou que le temps manque pour entreprendre une action conséquente devant une telle instance, il est possible de demander autorisation de la part du Bèt Dine de se diriger vers la municipalité pour qu’elle intervienne et lui interdise de continuer de construire. ![]() Bèt Dine de Marakèch Dans une municipalité dans laquelle, l’ensemble des membres dirigeants sont religieux, les décisions prises sont validées par la Halakha, car elles visent le bien être des habitants, répondant ainsi à l’obligation religieuse faite à un d’un groupe de se doter de lois internes. En revanche, si une partie des élus n’est pas pratiquante, leurs décisions collégiales perdent de leur force, et se réduisent à la valeur de lois civiles (Chévét Halévi id.). Une autre autorité civile incontournable est la police. Voyons dans quels cas il est permis de faire appel à elle. Face à toute personne susceptible de causer un dégât imminent, il est évidemment licite de téléphoner à la police, s’il est impossible de contrecarrer d’une autre façon les agissements de cet individu. Cela est valable en présence d’un voleur par exemple, ou d’une personne dont la conduite automobile risque de mettre en danger la vie d’autrui (vitesse excessive, conduite sans permis, stationnement dangereux, etc.). Dans ce dernier cas, il est nécessaire de prévenir la personne que ces agissements, s’ils perdurent, seront dénoncés à la police. S’il persiste, on peut alors avertir les services de sécurité (Min’hate Its’hak VIII, 148), et ce même si le chauffeur encoure une suspension de permis ou une amende. Dans le cas d’un voleur, l’appel à la police reste permis même si l’on ne peut pas préalablement avertir le voleur. Il est évident que l’appel aux forces de l’ordre ne s’entend que pour se protéger ou protéger autrui d’un danger, et non pour se venger du fauteur de troubles. C’est la raison pour laquelle on ne peut dénoncer autrui pour une faute occasionnelle, ou commise involontairement Dans cet esprit, on ne pourra pas faire appel à la police dans un cas de violence familial inhabituel et isolé. En revanche, on devra avertir l’auteur de ces violences qu’il risque d’être dénoncé à la police en cas de récidive. Si cette personne ne tient pas compte de l’avertissement, on pourra alors se tourner vers les services compétents pour mettre fin à ses agissements, et cela, quelles que soient les conséquences auxquelles il s’expose (le Mahara’h Or Zaroua' chap. 142). Le Choul’hane ‘Aroukh établit une différence entre une personne qui fait souffrir le public et celle qui s’en prend à un seul individu : le simple fait de faire souffrir la collectivité autorise déjà qu’on fasse appel aux autorités (après l'avoir averti). Exemple : un individu qui dénonce impunément et régulièrement les autres peut être dénoncé à son tour ; de même, s'il frappe intentionnellement une ou plusieurs personnes. Mais s'il ne fait que déranger, on fait une différence entre une collectivité et un individu seul (‘Hochèn Michpate chap. 388 9-12 et S’ma‘ 30). Nous l’avons vu, lorsqu’il s’agit de faire appel à des instances non juives, chaque cas d’espèce demande une réflexion particulière et minutieuse. Nous en évoquerons d’autres dans le prochain numéro.
![]() Rav Chalom Méssas - Bèt Dine de Casablanca De nos jours, dans des Etats démocratiques, une simple dénonciation dans des litiges financiers n’a pas de conséquences aussi tragiques (NDLR : bien qu’une dénonciation puisse avoir de très graves conséquences même de nos jours pour la santé de la personne qui en fait l’objet, et pour la bonne renommée de son entourage direct…). Toutefois l’interdit de dénoncer sans raison valable à la justice ou aux autorités civiles reste en vigueur. En effet, ce faisant, le dénonciateur entraîne que des instances non juives interviennent dans un conflit entre deux Juifs, et ceci nous ramène, quand c’est la justice civile qui est interpellée, au problème de base de rejet des lois de la Tora donnée par Moché pour gérer la vie juive, y compris les différents entre les membres de notre communauté. Il est aussi possible que l’instance civile prenne une décision contraire à la Tora, ce qui fait que le Juif qui remporterait le litige volerait son adversaire selon la loi mosaïque. Rappelons ici que le Michna Béroura (53,2) interdit de nommer une personne qui présente ses différends devant les instances civiles comme ministre officiant pour les grandes fêtes - et ce même s’il s’avère qu’il est inconscient de l’interdit qu’il transgresse (en hébreu : choguèg). Peut-on dénoncer un faussaire à la police, ou une personne qui commet d’autres forfaits de cet acabit (contrefaçon, filouterie…) ? Comme nous l’avons déjà vu précédemment, il est une question initiale que l’on doit se poser avant même de penser à faire appel à la police : les infractions commises par cet individu portent-elles préjudice à autrui ? Si la réponse est non, il ne sera pas permis de le dénoncer à la justice. En revanche, si ses actes entraînent des dommages auprès du public, qu’on l’a averti et qu’il continue à mal agir, le Rama (488, 12) permet de prévenir les autorités. Soulignons que le Rav Moché Feinstein zatsal (Iguérote Moché Ora'h 'Haïm tome V, 9,11) explique que cette autorisation n’est valable que des circonstances précises : si un groupe ou une personne sont soupçonnés à tort, il leur est possible, dans le but de se disculper, d’avouer qui a réellement commis ces méfaits. C’est donc une conception très restrictive des autorisations de dénonciation d’un malfaiteur que nous livre le Rav Moché Feinstein. Quelle sera la conduite à tenir si un individu vend de la drogue dans son quartier ? Nous avons déjà vu qu’il était permis de dénoncer une personne susceptible de porter préjudice à la vie d’autrui en raison de ses actions déraisonnables, dans la mesure où on lui avait demandé d’y mettre fin et qu’elle n’a pas écouté nos avertissements. Il est ainsi permis d’agir de la sorte envers une personne qui roule trop vite, car elle risque de tuer ou de blesser des gens ; dans le cas de la drogue, les conséquences désastreuses sont encore plus directes et certaines ; il sera donc autorisé et même recommandé de tout faire pour qu’un dealer soit mis hors d’état de nuire. ![]() Haut Tribunal Rabbinique de Rabat Le Rav Moché Feinstein (id. ‘Hochèn Michpate I,8) conclut qu’il n’est pas permis a priori de dénoncer un tel Juif aux instances civiles, même si elles peuvent parvenir à la même conclusion que le tribunal rabbinique. Le verdict pourrait être plus sévère que celui qu’une instance rabbinique pourrait adopter, comme l’incarcération, et alors il s’agirait d’une dénonciation proprement dite, totalement prohibée. Si les Dayanim voient qu’ils ne parviennent pas à empêcher un individu de continuer à vendre de la viande non cachère sous un label de garantie rabbinique, ils peuvent, une fois un dernier avertissement lancé, se tourner vers le tribunal ou vers la police pour qu’ils interviennent. Nous avons abordé précédemment le cas d’une personne ayant demandé et reçu l’autorisation du tribunal rabbinique de se rendre devant le tribunal civil pour préserver ses biens ou faire valoir son bon droit (ex. : un Juif attaqué par un autre Juif, qui refuse de porter l’affaire devant le Bèt Dine). Rappelons qu’elle doit alors se limiter aux éléments qui sont liés à l’affaire qui l’amène au tribunal, et qu’elle ne doit pas en profiter pour dévoiler que son adversaire triche avec les impôts ou transgresse d’autres lois .. Une fois qu’on a convoqué une personne au Bèt Dine et qu’elle n’est pas venue, on peut la citer devant le tribunal civil. Après l'avoir prévenu des conséquences de son refus, le plaignant peut dévoiler toute la vérité pour obtenir gain de cause, même si ceci risque d’entraîner qu’il doive payer une amende ou qu’il puisse être jeté en prison. Mais ceci n’est valable que si ses déclarations n’entraînent pas de problèmes à une tierce personne (Knessèt Haguédola Tour ‘Hochèn Michpate 26,19 ; Téchouvote véhanehagote III, 438). Dans tous ces cas, il faut toujours prendre conseil auprès d’un Dayane spécialisé en la matière, parce qu’on peut facilement être amené à penser que la voie qu’on suit est la seule permettant d’obtenir gain de cause, alors qu’il en existe d’autres plus licites ; dans d’autres cas, on peut être amené à penser qu’une certaine démarche est permise, alors que ce n’est pas le cas. Par ailleurs, on ne peut entamer une quelconque poursuite si les droits que l’on exige sont discutables ou que les préjudices dont on se plaint ne sont pas réellement avérés. ![]() Haut Tribunal Rabbinique de Rabat Quelle est la Halakha si une personne s’est tournée dans un premier temps vers les instances non juives, puis qu’elle s’est rétractée, en comprenant l’interdiction liée à cette action, et a décidé de porter l’affaire devant un tribunal rabbinique ? Il y a des divergences de vue entre les décisionnaires Achkénaze (Rama) et Séfarade (Bèt Yossèf). Les décisionnaires Séfarade admettent (selon le Bèt Yossèf) qu’il est possible d’accepter un tel retour vers les instances juives, même après une première démarche devant le tribunal civil. Selon ces Sages, même si le jugement a été rendu et que la personne a perdu son procès - elle peut encore se reprendre et tout recommencer devant le Bèt Dine. En revanche, les décisionnaires Achkénazim (Rama, deux avis dans 'Hochèn. Michpate. 26,1) n’admettent pas qu’un tel dossier soit étudié par le Bèt Dine, quand le tribunal civil a déjà statué. La raison d’un tel refus est une sanction en direction du plaignant ayant osé présenter son dossier devant une instance civile ; ainsi, dans le cas où il aurait perdu, le Bèt Dine le condamne à subir cette perte. Cela peut être aussi la suite de la logique de ce Juif qui, en allant au tribunal civil, a décidé par avance d’accepter toute décision qui en émanera. Il se fie donc à des jugements étrangers, et par conséquent l’argent qu’il peut en perdre revient légitimement à l’autre partie. Toutefois, si les deux parties étaient dans l’ignorance de l’interdiction halakhique de se présenter devant les instances civiles, il n’y a pas lieu de les punir de leur démarche, et il sera possible de les accepter au Bèt Dine. De même, si au milieu des débats, avant le verdict, le plaignant décide de donner la préférence au Bèt Dine, il sera également accepté par lui. Néanmoins dans ce cas, si la personne poursuivie avait proposé d’aller au Bèt Dine, et que le plaignant, en un premier temps, avait refusé une telle démarche, le Bèt Dine exigera au préalable que le plaignant rembourse les frais divers qu’il a causé à son adversaire, comme les frais d’avocat par exemple (Téchouvote véhanehagote III, 441-443). Note : D'après le droit civil, quand doit-on dénoncer une infraction ? Nous avons consulté Maitre Jacques Kohn, qui nous a répondu : « L’obligation de dénoncer une infraction n’existe, en droit français, que pour les crimes justiciables de la Cour d’assises. Article 434-1 du Nouveau Code pénal : « Le fait, pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Sont exceptés des dispositions qui précèdent, sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs de quinze ans : 1 – Les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frères et sœurs et leurs conjoints, de l’auteur ou du complice du crime. 2 – Le conjoint de l’auteur ou du complice du crime, ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui. Sont également exceptées des dispositions du premier alinéa les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13.
![]() Bèt Dine d'Oujda Voyons ici, suite à nos divers articles sur les possibilités de recours devant des instances civiles, ce qu’il en est de cette question : dans quels cas peut-on exiger le remboursement des frais selon la Halakha ? Dans le cadre normal d’un conflit opposant deux Juifs devant un tribunal rabbinique, le perdant ne peut être forcé de payer les frais du gagnant. La raison en est que la Halakha ne prévoit d’imposer à une personne de payer des frais que lorsqu’il y a une véritable volonté de causer des dommages à autrui. Dans le genre de cas qui nous concerne ici, il ne s’agit que de personnes qui tentent de récupérer leur argent. Les auteurs plus récents précisent qu’il en est différent si le plaignant utilise des arguments fallacieux, ou si la personne attaquée tente d’échapper à la plainte par des faux-fuyants. Dans ce cas, le perdant devra payer les frais occasionnés par l’affaire (Choute Yéchou’ote Israël ‘Hochèn Michpate 14,5). Il arrive souvent qu’une personne, convoquée en justice, refuse se présenter devant les juges et cherche à gagner du temps de manière injustifiée. Dans quelle mesure l’autre partie pourra-t-elle demander réparation du temps perdu ? La situation est différente selon l’instance choisie, le Bèt Dine ou le tribunal civil. Si le plaignant a présenté l’affaire devant le Bèt Dine, et que le refus de l’autre partie lui occasionne des dépenses, il pourra demander remboursement des sommes concernées, s’il gagne le procès bien entendu.. Mais si c’est le plaignant qui perd, les avis sont partagés à cet égard (selon le Sma’, la personne attaquée est dispensée de rembourser ces frais, et selon le Toumim et le Nétivote, elle doit tout de même les régler). . Si toutefois la personne qui ne s’est pas présentée devant le Bèt Dine peut prouver que son absence était justifiée par un cas de force majeure, et qu’elle n’a même pas pu prévenir au préalable, elle est alors dispensée de tout remboursement. Si c’est le plaignant qui finalement ne vient pas le jour convenu et renonce à sa plainte, la personne attaquée ne pourra pas exiger le remboursement des frais que cela lui aura causé, car cela peut s’interpréter comme une annulation de la plainte, et que l’autre partie ne peut que s’en réjouir. C’est pour cette raison qu’un mari qui s’est engagé à donner son Guèt à sa femme tel jour, à tel endroit, tel et, et qui n’est pas venu, doit lui payer tous les frais. En revanche, s’il abandonne totalement sa demande de divorce, il n’aura pas à payer les frais occasionnés (sauf évidemment si le Bèt Dine avait imposé au mari de donner le Guét durant cette séance). Encore faut-il que ce ne soit pas une « manœuvre » du plaignant, qui par exemple reprendrait sa plainte devant le Bèt Dine, mais la laisserait ouverte devant un tribunal civil… Dans ce cas, les Dayanim doivent se pencher sur le dossier avec grand soin, et s’ils pensent que c’est justifié, doivent exiger le remboursement des frais occasionnés. Si du fait du refus de la personne attaquée de se présenter devant le Bèt Dine, le plaignant a dû se rendre devant un tribunal civil, ce qui lui a occasionné des frais, la possibilité de se faire rembourser est différente selon que la personne lésée est Séfarad ou Achkénaz. Selon le Bèt Yossèf, , il semble bien que l’on ne puisse pas se faire rembourser les frais. Exception sera faite si la personne lésée a déjà reçu cet argent, ou qu’il a sous sa main de l’argent qui appartient à l’autre. Dans ce cas, il pourra retenir une somme correspondant à sa perte (Maharachdam ‘Hochèn Michpate chap. 35). ![]() Réunion de representants de Baté Dine Bien entendu, si le témoignage qu’il peut apporter est en faveur de la personne qui a été attaquée en justice dans de telles conditions, il lui sera bien entendu permis d’aller témoigner. Un avocat juif censé représenter un Juif ayant porté un litige contre un autre Juif devant une juridiction civile ne pourra effectivement le faire que si le Bèt Dine l'en a autorisé. En revanche, il pourra toujours défendre un Juif attaqué par un autre Juif devant un tribunal civil. Dans un litige opposant deux Juifs, il reste interdit de se présenter devant une juridiction civile même si cette dernière propose un règlement à l’amiable. En revanche, on peut faire appel à un arbitre ou médiateur, dans la mesure où ce dernier donnera un avis de bon sens, et non une décision issue de lois fixes (‘Aroukh Hachoul’hane 22, chap. 8, selon le Chakh chap. 15). En conséquence, on peut contacter un avocat par exemple, que celui-ci soit juif ou non, pour qu'il serve d'arbitre dans une affaire (cette question nécessite réflexion quand elle concerne des séfarades, selon l’avis du Bèt Yossèf dans le cas d’une personne non juive - voir ‘Hochèn Michpate 22,2). De nombreux litiges civils ont pour origine des querelles de voisinage. Les dispositions municipales, qui ont force de loi, doivent être respectées (Minhag Hamédina), dans la mesure évidemment où elles ne vont pas à l’encontre de la Halakha. Dans le cadre de ces lois, un litige entre voisins doit être porté devant un Bèt Dine. Il est toutefois possible de se présenter devant une juridiction civile, en général municipale, composée dans le but de résoudre des conflits entre voisins, à condition qu’il n’y ait pas prétention, de la part de ces juges de s’opposer ouvertement aux lois de la Tora, et seulement quand la validité d’une instance toranique n’est pas reconnue par la municipalité (Chévèt Halévi 10,263). Dans le cas particulier des permis de construire, il est possible de déposer des recours en contestation devant des comités préposés à cela. Dans quelle mesure un Juif a-t-il le droit de s’y présenter ? Là encore, si le silence ou l’inaction risque d’entraîner un préjudice certain, on aura le droit de faire appel à ce type de comités. En revanche, si cette action est engagée pour se venger d’un voisin, il s’agit alors d’une dénonciation pure et simple, et en tant que telle elle st interdite. Ceci est valable également si la municipalité est gérée par des Juifs. Prenons un cas concret : il arrive qu’un voisin s’installe sur une partie commune pour y agrandir son propre bien. Si les voisins font savoir leur opposition, et que ce premier passe outre, il est préférable de se diriger vers le Bèt Dine pour régler ce différent. Si ce voisin refuse de se rendre au Bèt Dine ou que le temps manque pour entreprendre une action conséquente devant une telle instance, il est possible de demander autorisation de la part du Bèt Dine de se diriger vers la municipalité pour qu’elle intervienne et lui interdise de continuer de construire. ![]() Bèt Dine de Marrakèch Dans une municipalité dans laquelle, l’ensemble des membres dirigeants sont religieux, les décisions prises sont validées par la Halakha, car elles visent le bien être des habitants, répondant ainsi à l’obligation religieuse faite à un d’un groupe de se doter de lois internes. En revanche, si une partie des élus n’est pas pratiquante, leurs décisions collégiales perdent de leur force, et se réduisent à la valeur de lois civiles (Chévét Halévi id.). Selon le Rama, si demande a été faite devant un Bèt Dine de se rendre devant l’instance civile, il sera possible d’obtenir aussi remboursement des frais. De même, si le Bèt Dine a donné son verdict, que le perdant n’est pas d’accord de payer et qu’il faut entamer une procédure de saisie (Hotsaa lapo'al), il demandera donc la permission au Bèt Dine et pourra exiger le remboursement de toutes les dépenses que ce refus a entraîné (‘Aroukh Hachoul’hane 14,12).
![]() Rabbi Chaoul Aben Danan, Roch Av Bèt Dine - Rabat L'une des Mitsvote de la Tora est l'obligation d'aller témoigner en faveur d'une autre personne si l'on peut livrer un fait en sa faveur. L'une des Mitsvote de la Tora est l'obligation d'aller témoigner en faveur d'une autre personne si l'on peut livrer un fait en sa faveur.
Rabbi Chaoul Aben Danan Il existe dans la Guémara un principe général concernant un Talmid 'Hakham ; son rang peut le dispenser, voire lui interdire d’accomplir certaines Mitsvote qui incombent pourtant à un simple Bén Israël. Au centre, Rabbi Shlomo Aben Danan, Av Bèt Dine de Fès Dans ce cas, le tribunal rabbinique pourra demander à la partie en cause de présenter elle les témoins qui la craignent.
Le Bèt Dine de Rabat Que dit la Halakha lorsque deux parties en conflit sont aussi en désaccord sur le Bèt Dine susceptible de trancher leur différend ? ![]() Cours de cassation de Paris Un principe général énonce que c’est la volonté de la personne attaquée qui prévaut dans le choix du Bèt Dine qui jugera l’affaire (« Azlinane Batar Niteva‘ »). Tribunal- Belgique
Qu’appelle-t-on sortir de la ville pour trouver un Bèt Dine dans une ville neutre ? Nous avons vu plus haut qu’en cas de litiges entre père et fils, l’enfant devra toujours se plier à voir juger l’affaire par le Bèt Dine de la ville où résident ses parents. Il en est de même dans le cas d’un litige entre un disciple et son maître (‘Aroukh Hachoul’hane – qui énonce cette loi uniquement dans le cas d’un Rav « Mouvhak », duquel ce disciple a reçu toute sa connaissance.
Tribunal fédéral en Suisse Nous l’avons vu dans nos rubriques précédentes, un conflit entre Juifs doit nécessairement être arbitré par un Bèt Dine. On peut également envisager d’utiliser les bons soins d’une personne unique, qui pourra assurer l’arbitrage de certains différends.
Dans quel cas un prêteur peut-il saisir directement un bien appartenant à l’emprunteur qui lui doit de l’argent ou un quelconque objet ? A priori, la Tora interdit au créancier de prendre un gage de la maison de son obligé, comme le dit le verset : « Ne te rends pas chez lui pour prendre un gage… » (Dévarim/Deutéronome 22,10).
Dans quel cas un prêteur peut-il saisir directement un bien appartenant à l’emprunteur qui lui doit de l’argent ou un quelconque objet ?
Il est permis de saisir un gage même au domicile d’une personne qui s’est portée garante pour le prêt d’autrui.
Si l’objet du vol n’est plus chez le voleur, il sera permis de saisir un bien chez ce dernier, puisque le vol ne peut certainement pas être considéré comme un emprunt (Nétivote 97,18). Si l’objet volé se trouve encore chez le voleur et que l’on peut prouver que cet objet nous appartenait, à l’aide de témoins par exemple, il sera permis de récupérer soi-même l’objet volé. S’il y a lieu de craindre que le voleur ne cache l’objet ou ne le vende, il sera même permis d’utiliser la force pour le récupérer.
Bien des lois de la Tora ont perdu de leur validité de nos jours, car elles dépendent d’une vie collective reposant sur le respect de la Halakha et de la présence du Temple. Ce n’est pas le cas de nos jours.
Bet Michpate - Jérusalem Toute affaire qui n’entraîne pas une perte d’argent directe ne pourra être jugée de nos jours. D’autres cas de perte peuvent provenir d’un dommage réel, mais son occurrence peut être rare.
Juges - Israël Nous avons vu que les prérogatives du Bèt Dine ne concernent pas tous les cas de conflits entre les personnes.
![]() Bèt Michpate - Israël Le Bèt Dine a perdu nombre de ses prérogatives depuis l’annulation de la « Sémikha ». Toutefois, nous avons aussi cité les différents cas sur lesquels il peut toujours statuer de nos jours. |
Palais de justice de Paris














