![]() ![]() Et lorsqu'au cœur de l'hiver 1942, les persécutions antisémites s'accélèrent et se transforment en tueries à ciel ouvert, les Stermer et 30 autres Juifs décident littéralement de « s'enterrer » pour tenter d'échapper aux massacres. Le père Stermer, Chabtaï, avait à l'époque obtenu l'autorisation de ramasser de la ferraille, ce qui lui permettait une certaine liberté de mouvement. Avec l'aide de son fils et de son gendre, ils vont ainsi décidé de se cacher dans la grotte de Verteba située en Ukraine. Chabtai Stermer et son fils vont y descendre des centaines de sacs de pommes de terre, de l'eau, de l'essence et de la farine. Habitée jusque-là surtout par des chauves-souris, cette grotte ne disposait que d'une faible aération et n'avait aucune source d'eau. De plus, une fois l'hiver passé, ses habitants risquaient d'être découverts par les paysans retournant aux champs : « Nous n'avions pas d'eau et nous ne pouvions cuisiner sans risquer de mourir asphyxiés, si bien que nous n'avions aucune idée de la façon dont nous allions pouvoir survivre », raconte l'un des jeunes fils Stermer. En y cherchant d'autres cavités, les frères Stermer découvrent une faille dans le plafond. Après quatre semaines de travail forcené, ils parviennent à ouvrir un autre passage vers la surface. Ce sera, de facto, la première source de lumière qu'ils aperçoivent depuis des mois. Avant de retourner dans la grotte, ils décident de consolider cette sortie et suspendent une chaîne afin qu'elle leur serve, le cas échéant, d'issue de secours... |
| 1. Courage et miracle |
Après six mois de vie terrée dans cette grotte, la famille Stermer est pourtant découverte par les Allemands! A l'entrée du gouffre, la mère, Esther Stermer, commence avec un courage exemplaire à parler aux officiers nazis : « Vous nous avez trouvés, très bien ! Et maintenant, vous croyez que si vous nous épargnez, le Führer va perdre la guerre. Regardez, nous vivons comme des rats ! Tout ce que nous voulons, c'est survivre à ces années de guerre. Laissez-nous donc ici!», implore-t-elle. Chlomo, son fils, n'en croit ni ses yeux ni ses oreilles : il se souvient de l'image de sa mère dressée face aux Allemands, attirant leur attention pendant que les autres s'enfuient dans le fond de la grotte. Finalement, grâce au courage hors pair d'Esther Stermer, les nazis ne pourront arrêter que 8 des 38 Juifs cachés dans la grotte. Et par miracle, six des huit arrêtés ont survécu, dont Esther qui put s'échapper et rejoindre le reste de la famille. Malheureusement, les deux victimes seront une mère et son enfant de 9 ans, sauvagement abattus puis jetés dans une fosse commune. Cave dans laquelle se cachaient les juifs dans le ghetto de Varsovie Les autres occupants de la grotte accusent le coup et sont terrorisés à l'idée d'être découverts. Ils décident de s'enfuir. Peu après, lorsqu'Esther réussit à échapper aux Allemands, elle revient dans la grotte et découvre son fils Chalom en état de choc. Voici donc les Stermer en train d'explorer ce nouveau refuge. Le 5 mai 1943, ils s'y installent et tentent de l'équiper au mieux, en allant jusqu'à traîner sur des kilomètres une meule qui leur permettra de faire du pain. Cet objet sera découvert par Chris Nicola, un explorateur américain, qui localisera la grotte bien des années plus tard. |
| 2. Douze mètres sous terre |
Partisans juifs, survivants du soulèvement du ghetto de Varsovie, dans la fôret Les trois frères Stermer entreprennent donc de remonter à la surface. Faisant fi du danger, ils abattent une vingtaine d'arbres. Ce bois sera utilisé pour faire du feu. Ils s'éloignent également de la grotte pour acheter de la nourriture, en général des denrées de première nécessité. Durant les 344 jours de leur détention sous terre, ils vont en moyenne perdre un tiers de leur poids. Tous vivent dans la peur d'être encore découverts ou de ne pas revoir ceux qui partent à l'extérieur chercher des vivres, surtout à l'automne alors que les paysans travaillaient aux champs sous le regard méfiant des patrouilles nazies. |
| 3. Leur cachette découverte |
![]() Mais les survivants trouvent une brèche et commencent à creuser durant trois jours et trois nuits pour contourner l'issue bouchée. Le quatrième jour, Nissel parvient à déplacer un lourd rocher, et un souffle léger d'air extérieur vient enfin apporter la douce senteur du vent… Les survivants apprendront plus tard qu'en fait, ce sont des Ukrainiens qui avaient colmaté l'entrée de la grotte : « Certains Ukrainiens nous ont aidés à survivre, mais d'autres étaient vraiment mal intentionnés », raconte Chalom. Il était impossible de savoir si la police locale ukrainiene ou les nazis allaient à nouveau piéger le groupe dans la grotte. C'est alors que Nissel et Chalom s'aventurent encore plus loin dans la grotte à la recherche d'une autre sortie. En vain. L'un des miracles de cette période se produit lorsque les hommes rapportent un quintal de blé. Malheureusement, la police ukrainienne le repère et le suit.. Elle découvre que le sac commence à glisser dans le sol. Mais à un moment, le sac trop volumineux se coince dans le tunnel. La police tente de pénétrer dans la grotte mais le sac l'en empêche. Les policiers tirent vers l'intérieur du tunnel. Mais les paysans ukrainiens vont sauver les Juifs cachés : ils expliquent aux policiers que la grotte est un véritable labyrinthe et que les Juifs sont nombreux et armés. Les policiers décident de renoncer à la conquête de la grotte. |
enfin libres Cimetière juif de Korolowka Un matin d'avril 1944, Chlomo Stermer s'approche du tunnel de sortie et aperçoit une petite bouteille dans la boue. Dedans, ce message lapidaire de quelques mots : « Les Allemands sont partis ! ». Leur visage est jaune et desséché, leurs vêtements sont en lambeaux et ils sont recouverts de boue glacée… La route vers leur village de Korolowka est jonchée de carcasses de chars allemands carbonisés. La ville est presque entièrement détruite, et sur les 14 000 Juifs qui y vivaient avant la Seconde guerre mondiale, seuls 300 ont pu survivre. Les Stermer ne parleront à personne de leur refuge souterrain de crainte d'en avoir encore, un jour, besoin … D'ailleurs, même après la défaite des Nazis, deux des survivants seront assassinés par les fascistes ukrainiens… |


