Le village de Canari
Il se rappelle y avoir même appris le Corse avec les autres gamins et s’excuse de l’avoir oublié aujourd’hui. Tant d’années ont passées, l’essentiel est demeuré : la mémoire de l’hospitalité et de la solidarité dans le malheur, deux valeurs essentielles dans la culture corse. C’est un fait historique peu banal et que bien peu de Français connaissent sans doute que Clémentine et André Campana relatent dans ce documentaire que France 5 ne diffuse qu’en deuxième partie de soirée ce dimanche : oui, la petite île de Corse a été le seul département français durant les années noires de l’Occupation qui n’a arrêté ni déporté de Juifs.
Mieux, elle les a accueillis, cachés et protégés, des autorités de Vichy d’abord, dont on a pu mesuré le zèle ailleurs, des troupes italiennes ensuite, débarquées en masse en Novembre 1942 (quelques 85 000 hommes quand même) lorsque l’Allemagne nazie envahit la Zone libre, puis des Allemands eux-mêmes (près de 14 000 soldats en renfort) dont la Corse se libèrera seule, là encore, et la première de tous les départements français, le 5 octobre 1943.
Troupes italiennes débarquant
Ailleurs, on les surnomme aussi « les touristes » : ce sont des Juifs qui ont fui, la plupart, la Syrie ou la Palestine ottomane en 1916, refusant de se battre dans les rangs de l’Empire turc. Et des touristes, par définition, ça ne concerne pas les recensements administratifs… Partout, les enfants sont scolarisés, intégrés au Village, entité emblématique en Corse.
Et quand en août 42, Vichy réclame via le Télégramme 12 520 que les « opérations de ramassage » des Juifs étrangers commencent, « les Boches de Porto et d’Ota « tout comme les «touristes-apatrides » disséminés aux quatre coins de l’île ne seront ni dénoncés ni arrêtés mais protégés par toute une population et son administration, police et gendarmerie inclues, jusqu’à leurs fournir de faux-papiers turcs… Joli témoignage que celui de Jacqueline Casanova du village de Chera toujours aussi émue à la lecture de la lettre de Benjamin Zaoui, caché durant des années avec sa famille par le grand-père de Jacqueline, dont le sens de l’hospitalité laisse aujourd’hui songeur : » Ici, vous serez chez vous et vous ne mourrez de faim sans doute qu’après nous » avait-il annoncé à la famille Zaoui en les accueillant chez lui. Durant tout le conflit, on ne portera pas l’étoile jaune en Corse.
Télégramme manuscrit portant la mention
« opérations de ramassage »
Source : Tribune Juive