
La yéchiva traversait une période très difficile car les édits proclamés par le gouvernement russe hostile interféraient de plus en plus avec le fonctionnement de la yéchiva. Les autori¬tés exigeaient entre autres que personne n'étudie le Talmud la nuit, que les études laïques (en particulier la langue russe) occu¬pent désormais une large part du programme et que tous les membres du corps enseignant possèdent des diplômes reconnus par les institutions éducatives russes.
En 1892, le Netziv fut malheureusement contraint de fermer définitivement les portes de l'éminente yéchiva. R' 'Haïm Berlin prit un poste de Rav dans la ville de Kobrin, où il passa trois ans. A la fin de cette période, il choqua ses contemporains en annonçant qu'il avait accepté un poste de rabbin dans une petite ville quasiment dénuée de Yiddichkeit (judaïcité). Cette ville se trouvait en Finlande et s'appelait Yalisbetgrad. (Elle fait aujourd'hui partie de la Russie).
Beaucoup de gens avaient du mal à comprendre pourquoi un Rav de sa stature se rendait dans une région où si peu de Juifs appréciaient et respectaient la Torah et les Mitsvote.
En se rendant à Yalisbetgrad, il s'arrêta à Brisk, où le Gaon, Rabbi 'Haïm Soloveitchik (1853-1918) organisa une Séouda Préda (réunion d'adieu) en son honneur.
Au cours de cette Séouda, Rabbi 'Haïm Berlin entendit cer¬tains invités critiquer sa décision d'accepter un poste en un lieu où il n'y avait "ni Chabbate, ni Kacheroute, ni aucun semblant de Yiddichkeit. "
"Vous avez raison, ce que vous dites est vrai", répliqua Rabbi 'Haïm Berlin. "Il y a très peu de Yiddichkeit là où je vais. Si vous pensez que le rabbinat est un moyen d'obtenir des satisfactions pour Olam Hazé (ce monde-ci), il est évident qu'il vaut mieux être Rav à Volozhin, à Brisk ou à Ponevezh, où vous pouvez donner des Chiourim, étudier la Torah et fréquenter des gens fort pratiquants. Ce sont là des satisfactions spirituelles, mais elles ne concernent que le monde d'ici-bas.
Par contre, si vous considérez le rabbinat comme un moyen d'obtenir du mérite dans Olam Haba (le Monde à Venir), alors un Rav de Yalisbetgrad qui fait fermer un magasin le Chabbate, qui encourage un boucher à ne pas vendre de viande Treife (non-Kachèr), qui incite une famille à devenir Chomer Chabbate (respectueuse du Chabbate), ou permet à un enfant d'aller à la Yéchiva - un tel Rav peut mériter de plus grandes récompenses dans Olam Haba que n'importe quel Rav d'une grande ville, pleine de juifs religieux!"