S'engager à donner la Tsédaka


On peut imaginer trois manières de s'engager à donner de la Tsédaka : Cela peut se faire par la pensée, par la parole, et on peut avoir déjà transmis l'argent pour un tel but. Dans chacun de ces trois cas, dans quelles mesures peut-on se rétracter le cas échéant ?

par la pensée


Le Choul'hane 'Aroukh ('Hochèn Michpate 212,8) rapporte que si une personne achète un terrain avec l'intention de l'offrir à une bonne œuvre (un pauvre spécifique, ou un organisme qui aide les pauvres), même si elle n'a pas exprimé son vœu de manière orale, certains pensent qu'elle est tenue d'accomplir sa pensée et de transmettre ce bien au but auquel il avait voulu le consacrer. Mais d'autres sont d'avis qu'une intention d'accorder un bien à la Tsédaka n'est pas aussi astreignante qu'une intention non exprimée en faveur du Hékdech (donations pour le Temple, son entretien et ses offrandes).

Le Choul'hane 'Aroukh reste en conséquence dans le doute, mais le Rama (Yoré Dé'a 258,13) tranche pour la rigueur, et il faut donc dans de tels cas agir selon l'intention première, et accorder ce bien à la bonne œuvre prévue. Toutefois, si la personne change d'avis immédiatement, son annulation est valable - certains pensent toutefois qu'il faut alors le dire, et que le penser ne suffit pas (Ktav Sofer Yoré Dé'a chap. 3).

par la parole

Nos Sages ont appris du verset (Devarim/ Deutéronome 23,24) "Mais la parole sortie de tes lèvres, tu dois l'exécuter, une fois que tu auras voué à l'Eternel, ton D-ieu, une offrande volontaire, promise par ta propre bouche", qu'une parole prononcée au sujet d'un don en faveur de la Tsédaka a automatiquement le statut d'un vœu.

On ne pourra donc plus se rétracter, si ce n'est au moyen d'une annulation de vœux devant un Beth Dine ou un Sage. Le Rambam (Hilkhote Nédarim fin, cf. Yoré Dé'a 203,3) écrit: "Les vœux en faveur de la Tsédaka doivent être accomplis et ne pourront être déliés que dans des cas extrêmes, par un Sage. Le Radvaz ajoute: "Les Sages ne doivent pas se prêter au déliement de tels vœux, car ils font perdre de l'argent aux pauvres. De plus, lorsque l'on fait un vœu dans un moment de détresse, il y a même, mis à part la question de la légitimité même du déliement, danger à le faire (Rama Yoré Dé'a 228,45 ; Dérekh Emouna, Da'ate Tora 258,6).

Néanmoins tant qu'il ne trouve pas les pauvres ou les responsables il peut se servir de l'argent et la Tsédaka devient une dette qu'il devra payer lorsque le pauvre se présentera (Yoré Dé'a 249,11).

Une fois que l'argent n'est plus en possession de la personne, il n'est évidemment plus question de se rétracter ou d'annuler le vœu même si pour l'instant l'argent n'est pas parvenu au pauvre du fait qu'il est entre les mains du responsable qui est censé le distribuer (Yoré Dé'a 258,6).

Puisqu'il s'agit là d'un vœu, la parole employée a son importance: celui qui aura dit que l'argent qu'il va gagner, ou le terrain qu'il va acheter, seront pour une bonne cause - ne sera pas vraiment tenu d'accomplir sa parole, car pour l'instant il n'a encore rien en sa possession. En revanche, s'il dit que lorsqu'il achètera un terrain donné, ou lorsqu'il gagnera .de l'argent, il l'offrira- en partie ou totalement - à la Tsédaka, il sera obligé de tenir parole ('Hochèn Michpate 212,9), car il s'est lui-même engagé à donner plus tard cet argent ou ce bien.

un don déjà effectué

Nous avons parlé de l'engagement oral. Qu'en est-il de démarches de cet ordre quand elles sont effectuées par écrit ?

Une personne qui aura fait un chèque ou mis de l'argent dans une enveloppe afin de l'envoyer à un pauvre peut encore se rétracter (certains pensent qu'un vœu par écrit est également valable) s'il y a une raison importante pour le faire, tant que le pauvre ou son délégué ne l'a pas reçu. Mais une fois que le chèque a été réceptionné par le pauvre ou par une personne qui le représente, il n'est plus possible d'annuler le chèque et la dette envers la Tsédaka devra être réglée.

Quand le règlement s'effectue par carte bancaire, il n'est plus possible de se rétracter, car même si l'argent n'est pas encore sorti du compte physiquement, cette procédure signifie que l'on a donné autorisation de prendre cette somme, et l'on a déjà une dette envers la Tsédaka.

Lorsqu'on a nommé quelqu'un pour apporter l'argent chez un pauvre, et que l'intermédiaire ne lui a pas encore transmis, on ne peut plus se rétracter, parce que c'est comme si la personne mandatée l'avait reçue à la place du pauvre (Ketsote Ha'hochèn 125,2).

En ce qui concerne la tirelire de la Tsédaka, certains se permettent d'emprunter l'argent qui s'y trouve en cas de besoin personnel, mais en vérité, il faut émettre avant d'y déposer l'argent une condition en ce sens. Et si c'est son habitude de souvent emprunter cet argent, ceci est valable comme étant une condition (Dérekh Emouna 8,121). Le cas de vœu à la Tsédaka sous certaines conditions, et celui du pauvre qui n'a plus besoin qu'on l'aide, seront analysés par la suite.

Quand on se trompe

Une personne qui se serait trompée de monnaie, et aurait par exemple dit vouloir donner dix mille euros, au lieu des dix mille shekels auxquels il pensait, n'est pas tenue de suivre ce qu'elle a dit, mais ce qu'elle a pensé (Chakh Yoré Dé'a 258,5).

Si l'on fait un pari , et que le gagnant ou le perdant s'engage à donner de l'argent à la Tsédaka, cela va dépendre des conditions suivantes: si l'on est sûr d'avoir raison - et c'est pourquoi chacun d'entre eux prend cet engagement, cela sera considéré comme un vœu fait par mégarde, et il n'y aura pas besoin de s'exécuter; si par contre en vérité, chacun sait bien qu'il peut perdre, mais s'engage tout de même dans ce pari, alors il faudra le respecter et donner l'argent à la Tsédaka (Taz Yoré Dé'a 232 et Pit'hé Téchouva id.3).

On s'est engagé à donner de l'argent à un indigent, entre temps celui-ci devient riche ; le malade en faveur duquel on s'est engagé à telle ou telle somme, afin de l'aider à faire face aux dépenses qu'il rencontre, guérit : dans ces cas la donation sera alors annulée, puisqu'elle a été effectuée par « erreur » ('Hatam Sofèr Yoré Dé'a 237). Si le don a été perçu par le pauvre ou le malade, cet argent leur appartient, et on ne pourra pas le leur reprendre. Mais si on a donné une partie du don et qu'ensuite, avant de donner l'autre partie, on apprend qu'ils n'en ont plus besoin, on est dispensé de la leur donner.

Quand le donateur ne peut plus tenir son engagement

Selon le 'Hatam Sofèr, il est évident que l'on ne s'engage que dans la mesure où l'on pense en avoir les moyens. Si la situation financière a changé, le vœu s'annule automatiquement. Mais dans ce genre de cas, il vaut mieux se rendre chez un Rav pour demander l'annulation effective du vœu. Au cas où la fortune sourirait à nouveau à cette personne, elle devrait alors s'interroger pour savoir si elle sera tenue d'accomplir son vœu. Que fait-on dans le cas où le pauvre ne veut pas accepter le don?

Selon le Rama, l'argent n'appartient pas au pauvre, et en conséquence, si l'argent est encore entre les mains du donateur, il pourra le garder. Si la somme a déjà été donnée au pauvre, ou s'il se trouve chez un intermédiaire qui devait le lui transmettre, il faudra utiliser cet argent pour une autre bonne cause de cet ordre (Chévet Halévi III, 170 et Taz 203,5).

Il arrive qu'un pauvre vienne solliciter les gens dans la synagogue, et que, quand on le voit de loin, on décide de lui donner une certaine somme, mais par la suite celui-ci s'en va, et on n'est plus en mesure de la lui transmettre. Que fait-on?

Le 'Hazon Ich disait qu'il était bon de donner cette somme à un autre pauvre (Dérekh Emouna hilkhote Matanote 'Aniim 8,88). Mais si on connaît la personne, il faudra lui donner à la prochaine occasion la somme que l'on avait décidé de lui donner.

Il est bon de prendre la décision, une fois pour toutes, que l'on ne veut pas faire le vœu de donner de l'argent si ce n'est quand l'argent est transmis à l'indigent, ou bien à chaque fois de dire ou de penser que cela sera « Bli néder », sans engagement ayant valeur de vœu.

Précédemment, nous avons indiqué la différence entre une situation où l'argent a déjà été donné au pauvre, mais que ce dernier n'a pas besoin de toute la somme, et celle où l'argent a été ramassé pour une personne que l'on pensait être pauvre, mais qui ne l'est pas, ou pour un malade qui a fini par guérir sans intervention chirurgicale ou autres. Dans ce cas, l'argent ne revient évidemment pas au pauvre ou à l'ancien malade, car cette quête a été faite par erreur.

Que fait-on alors avec l'argent collecté?

Le Roch (Choute Haroch chap. 32,6) conclut qu'il faut rendre l'argent au donateur, puisque ce don repose sur des données erronées. Cet auteur ajoute que ceci est valable même si l'argent a déjà été donné au prétendu pauvre ou au malade qui a guéri; dans ces cas, il est possible de leur imposer par voie de justice de rendre cet argent (Chakh 253,4).

Que peut-on faire dans des cas où l'on ne connaît pas l'identité de toutes les personnes qui ont participé à la quête en faveur de ces cas ? A qui peut-on rendre l'argent ? On s'en servira alors pour les besoins de la communauté, ou alors dans un but semblable, en tout cas en faveur d'un autre pauvre ou d'un autre malade (Roch id., Chévet Halévi III, 170). Si on a ramassé de l'argent pour des orphelins, celui qui est chargé de gérer ces fonds est considéré comme ayant reçu l'argent à leur place, et cet argent leur appartient, même s'ils s'enrichissent par la suite ('Hatam Sofèr 'Hochèn Michpate 147).

Dans le cas où l'on aura donné de l'argent à un père pour la dot de sa fille et que par la suite celle-ci ne se marie pas, étant décédée par exemple, ces fonds ne seront pas considérés comme étant en possession de la fille, et le père devra rendre l'argent.

Mais si on a ramassé de l'argent pour des orphelins, celui qui est chargé de gérer ces fonds est considéré comme ayant reçu l'argent à leur place, et celui-ci leur appartient, même s'ils s'enrichissent par la suite ('Hatam Sofèr 'Hochèn Michpate 147).

Si l'on fait une quête pour acheter spécifiquement des habits pour des personnes nécessiteuses, et qu'il s'avère par la suite que ces personnes n'ont pas besoin de vêtements, mais plutôt de soins médicaux ou dentaires, ou de nourriture, peut-on utiliser l'argent collecté pour l'un ou l'autre de ces nouveaux besoins? Ceci est possible tant que l'argent parvient à des pauvres. S'il est donné à une autre cause, cela est interdit (Mabit II, 15).

Dans le cas où le donateur fait savoir qu'il tient à ce que l'argent qu'il a donné soit donné dans un but spécifique, il deviendra interdit de changer son utilisation. Si l'argent a été donné au pauvre afin de l'aider à acheter des vêtements ou de la nourriture, il ne pourra pas l'utiliser pour rembourser ses dettes, et devra se plier aux volontés du donateur (Iguerote Moché Yoré Dé'a 1,152).

Les responsables de la quête devront donc bien mentionner à chaque appel de Tsédaka que l'argent sera versé selon leur décision, afin de pouvoir orienter les dons reçus vers d'autres besoins sans transgresser les lois de la Tsédaka. Cela serait désolant de vouloir aider des nécessiteux en allant à l'encontre de la Halakha!

Il y a cependant des exceptions : le Rama, dans les lois de Pourim (Ora'h 'Haïm 694,2) écrit que le pauvre a le droit de se servir de l'argent qu'il reçoit à Pourim dans le cadre des Matanote Laéviyonim) des dons aux pauvres obligatoires ce jour-là, pour n'importe quel besoin, même si cet argent a été récolté a priori pour l'aider à couvrir les dépenses du repas de ce jour. Mais si quelqu'un offre à un nécessiteux du manger pour Chabbate, il doit à priori faire attention à ne le consommer que ce jour-là (Michna Béroura § 242,4).

Il est bon, en toute occasion, de se rappeler des paroles du Rambam (Hilkhote. Matanote 'Aniim 10,1-2) : « Nous devons faire attention à la Mitsva de la Tsédaka plus qu'à toutes les autres Mitsvote positives, car la Mitsva de la Tsédaka est un signe de la conduite juste des descendants d'Avraham, comme il est dit: Car Je l'ai connu, afin qu'il ordonne à sa descendance de faire la justice et la Tsédaka.

Et les enfants d'Israël ne seront délivrés que par le mérite de la Tsédaka, comme il est dit: Tsiyone sera rachetée par la justice, et ceux qui y retourneront, par la Tsédaka (Yechayahou 1,27). Et jamais un homme ne deviendra pauvre s'il donne à la Tsédaka, et il ne peut y avoir de dommages du fait qu'on a donné de la Tsédaka, et celui qui a pitié des autres, récoltera lui aussi la pitié pour lui-même. »