Que faire quand les voisins font du bruit ?


Le Choul'hane 'Aroukh ('Hochèn Michpate. 156,2) énonce clairement que chaque voisin peut s'opposer à n'importe quel bruit qui le dérange objectivement, qu'il soit en provenance de l'appartement du voisin ou, à plus forte raison, qu'il soit effectué dans les dépendances communes de l'immeuble (escalier, lobby, cour, etc. ).

Toutefois, si les voisins n'ont pas fait savoir leur opposition quand la personne a commencé à faire ce bruit, et que ce n'est que plus tard (quelques jours ou quelques semaines après) qu'ils s'y opposent, on distinguera deux genres de situations

Si le bruit provient d'allers et venues de personnes dans les couloirs (par exemple dans le cas d'une vente à domicile, ou alors du travail qu'un artisan effectue chez lui avec son matériel), les voisins pourront s'opposer à chaque moment.

Si quelqu'un ouvert un pressing par exemple chez lui, il sera possible de s'y opposer, car les gens vont venir en nombre apporter leurs habits et feront du bruit en venant et en repartant.

Mais si le bruit provient de machines à laver ou à sécher, leur opposition doit être immédiate. Si celle-ci n'a pas été formulée à la mise en route des machines, les voisins ne pourront plus venir par la suite se plaindre des désagréments que cette présence leur cause.

Il ne leur restera que la possibilité de repousser les allées et venues des clients, mais pas des machines.

En conséquence, il faut réagir au plus vite et faire savoir que l'on s'oppose à l'utilisation de machines professionnelles, qui sont utilisées constamment et font plus de bruit que celles du privé.

Ceci est la Halakha selon le Mé'habèr, en ce qui concerne les Séfaradim. Selon le Rama (id.), la pratique est un peu différente : tout ce qu'une personne fait chez elle est à l'abri de reproches de la part des voisins ! En revanche, les voisins peuvent s'opposer au passage intempestif de clients par l'entrée ou les escaliers de l'immeuble.

En conséquence, si le voisin en question jouit d'une entrée privée, aucun voisin ne pourra s'opposer à l'ouverture d'un magasin dans l'immeuble, selon cette conception qui concerne les Achkénazim.

Selon les conclusions des auteurs Séfaradim, les voisins doivent immédiatement s'opposer à une éventuelle gêne causée par les machines. S'ils tardent à le faire, leur droit à s'opposer sera perdu, et l'autre pourra continuer à travailler puisqu'il a une entrée personnelle.


Toutefois, si l'un des voisins est malade ou se trouve être une personne âgée que le bruit dérange, il sera toujours possible de s'opposer à tout bruit dérangeant son repos (Rivach 196 et Rama id.).

C'est sur cette opinion que se fondent les décisionnaires pour interdire de faire du bruit durant les heures où les gens ont l'habitude de se reposer ou de dormir (comme en Erets Israël entre 14 et 16 h, ou le soir après 23 h), car pour certaines personnes, le manque de repos peut entraîner des fatigues et des maux de tête les rendant malades, ne fusse que pour un court moment, même si présentement ce n'est pas le cas. Il en sera de même si un magasin dérange le voisinage à des heures inhabituelles : on pourra l'empêcher d'ouvrir boutique à de tels moments, si l'habitude est que les magasins sont alors fermés.

Une personne jusque là bien portante, mais qui tomberait soudain malade, ou qui aurait besoin d'une période de convalescence, peut exiger des voisins de ne pas faire de bruit, même si jusqu'à présent cela ne le dérangeait pas !

 

La mode est aux ventes organisées à domicile. Mais sur le plan de la Halakha, est-ce si évident que cela soit toujours permis, du fait des dérangements que cela cause aux voisins ?

Nous avons déjà écrit qu'il était permis de s'opposer à ce que des personnes étrangères rentrent et sortent d'un appartement de l'immeuble, si ces visites sont effectivement gênantes et nombreuses. Toutefois, il faut que ces dérangements soient effectifs et sérieux : les caprices d'un voisin nerveux ne sont pas suffisants pour justifier une opposition recevable d'après la Halakha (Baba Batra 21a).

Il faut également tenir compte du quartier : organiser une telle vente dans un immeuble tranquille du XVIe arrondissement à Paris ne sera pas comparable à la même initiative prise dans un quartier plus populeux...

La nature des objets vendus a également des incidences organiser une vente occasionnelle d'oeufs frais ou de langes est sans doute permis, les gens ne faisant que passer. Par contre, un magasin d'habits ou de bijoux risque d'indisposer davantage le voisinage.

Il est courant de trouver des bureaux d'avocats, de comptables ou d'assurances dans des immeubles destinés à l'habitation.

Il en est de même pour des magasins, un atelier ou un entrepôt que l'on déciderait d'installer un beau jour dans un appartement. Peut-on s'y opposer d'après la Halakha (les problèmes municipaux ne sont pas de notre recours...) ?

Quand un immeuble est a priori destiné à l'habitat, la possibilité de transformer un appartement en bureau doit être mentionné dans l'acte de vente. A défaut, il faudra l'accord de tous les voisins (Chévèt Halévi 9,302). L'accord, ou le refus, d'un voisin ne saurait être arbitraire, mais reposera sur ce que la Halakha permet. Si visiblement le voisin s'oppose à donner son aval, il sera possible de le convoquer au Bèt Dine qui jugera du bien fondé de son attitude selon l'aspect objectif de ces dérangements, et selon les normes du quartier.

Si ce dernier réussit à convaincre le Bèt Dine des dommages que la présence d'un tel local pourrait lui occasionner, il pourra légitimement exiger en dédommagement une certaine somme en échange de son accord. 

On ne pourra pas s'opposer en revanche à des bruits exceptionnels, occasionnés par exemple par une réception chez soi ou des travaux, du fait que ces dérangements sont inhabituels, et qu'il peut arriver à chacun de les provoquer à l'occasion.

Il faut évidemment prendre des précautions pour limiter le bruit et autres nuisances, et ne pas faire exprès un bruit insupportable.

Dans les lieux où des lois, ou des instructions explicites, définissent des créneaux horaires où il est permis de faire du bruit, il faudra bien entendu les respecter.


Ecole juive Paris

Depuis rabbi Yéhochoua' Bèn Gamla chaque ville doit avoir son école de Tora - alors qu'auparavant ce n'était que la région qui devait ouvrir des écoles (Baba Batra id.).

Ce décret inclut l'impossibilité de s'opposer à l'ouverture d'un tel établi. Il en sera de même pour une école toranique destinée aux jeunes filles (Simlate 'Haïm de Rav Yossèf 'Haïm Zonnenfeld), ou encore une synagogue ou une Yechiva (Ritva et 'Aroukh Hachoul'hane 'Hochèn Michpate 156,3).

Si toutefois il y a déjà un nombre suffisant de synagogues dans le quartier, les voisins pourraient peut-être s'opposer à l'ouverture d'un tel lieu de prière qui les dérangerait, mais la question devra être posée à un Bèt Dine compétent. S'il faut accepter l'ouverture d'un tel lieu où l'on fait des Mitsvote, il devrait alors être impossible de s'opposer également à l'ouverture d'un cabinet médical, puisque c'est une Mitsva d'apporter des soins à son prochain (Chévèt Halévi de Rav Wozhner 9,299). Certains pensent néanmoins que ceci n'est valable que pour un centre de réanimation, où l'on sauve des vies, mais non point pour un simple cabinet médical.

Enfin, une personne malade pourra s'opposer même au bruit provenant d'un travail effectué à l'intérieur d'un appartement voisin (Rivach - Rama 156,2). En revanche, elle ne pourra pas s'opposer au bruit occasionné par une Yéchiva ou une autre école religieuse (Simlate 'Haïm 474).

Dans le cas de l'ouverture d'une nouvelle synagogue, s'il y en a déjà suffisamment dans le quartier, il est probable qu'il pourra s'opposer, mais la question doit être posée devant un Bèt Dine compétent.