L'ambassadeur de Suisse en Israël, Simon Geissbühler, a détaillé mercredi soir sur i24NEWS les implications de l'interdiction du Hamas en vigueur depuis minuit, qualifiant cette décision de "pas extraordinaire" pour un pays qui "n'a ni la tradition, ni la base légale d'interdire des groupes terroristes."
Une rupture historique avec la neutralité suisse
"On a fait une seule exception, c'était en 2014, après une décision du Conseil de sécurité" pour Al-Qaïda et l'État islamique, rappelle l'ambassadeur. Mais le cas du Hamas était "différent et difficile parce qu'on n'avait pas une décision du Conseil de sécurité."
C'est le choc du 7 octobre qui a tout changé. "Le fait que Hamas a tué 1200 personnes en Israël, dont d'ailleurs deux Suisses qui ont été tuées, et a pris plus de 250 otages, est un tel choc que le gouvernement suisse, le Conseil fédéral et le Parlement ont décidé d'élaborer une loi fédérale interdisant le Hamas."
Des mesures concrètes aux lourdes conséquences
L'interdiction n'est pas symbolique. "Quiconque contrevient à cette interdiction peut être puni d'une peine privative de liberté de 20 ans ou plus, ou d'une peine pécuniaire", précise Geissbühler. La loi permet également de "geler des avoirs de Hamas en Suisse" et "facilite l'adoption de mesures de police préventives." Plus encore, elle "réduit le risque que le Hamas utilise la Suisse comme zone de repli" et s'étend aux "organisations apparentées" particulièrement proches du groupe terroriste, moyennant une décision gouvernementale et consultation des commissions de sécurité parlementaires.
Un dilemme pour la diplomatie suisse
Cette interdiction illustre un dilemme fondamental pour la Suisse. "La Suisse joue, dans beaucoup de conflits, le rôle d'une médiatrice", souligne l'ambassadeur. "Mais c'est clair, si vous interdisez une organisation, c'est très difficile pour la diplomatie suisse de faire de la diplomatie en coulisses et de la médiation." Le gouvernement a tranché : "Pour nous, c'était plus important d'interdire Hamas que de jouer peut-être un rôle de médiateur." Un "trade-off" assumé qui marque l'abandon de décennies de pragmatisme diplomatique.
L'Eurovision comme test de détermination
Interrogé sur l'Eurovision à Bâle, Geissbühler confirme que "la sécurité de tous les participants et surtout de Yuval [Raphael, représentante israélienne] est une priorité." L'arrestation immédiate d'un militant pro-palestinien qui avait fait le geste d'égorger la chanteuse israélienne témoigne de cette vigilance. L'ambassadeur insiste sur l'autonomie de cette décision : "C'était vraiment une décision du gouvernement et après du Parlement." Un "signal très fort de solidarité vis-à-vis d'Israël, vis-à-vis des victimes", mais avant tout un choix souverain helvétique.
Pas d'extension prévue
Contrairement aux attentes, cette interdiction ne créera pas de précédent. "Je pense que le Parlement va être assez réticent de continuer d'interdire des groupes terroristes", prédit Geissbühler, soulignant le caractère exceptionnel de cette mesure liée spécifiquement au traumatisme du 7 octobre.
Cette interdiction symbolise la fin d'une époque pour la diplomatie suisse. En choisissant de prendre parti contre le Hamas, la Confédération abandonne une partie de sa neutralité traditionnelle, privilégiant ses valeurs démocratiques et sa solidarité avec Israël. Un tournant historique pour un pays qui avait fait de sa neutralité une marque de fabrique diplomatique depuis des siècles.
Source : I24news