
Il arrive souvent que deux personnes soient intéressées par l'achat d'un même appartement, d'une même voiture d'occasion ou désirent engager le même employé. Comment fixer qui a la priorité ?
| D'une façon générale, on peut toujours prouver que l'une des deux personnes intéressées est plus engagée que l'autre dans ses recherches ou dans le sérieux de la proposition qu'elle présente au vendeur. En tout état de cause, qui a la préséance selon la Halakha (ce sujet est traité dans Kidouchine 59a et dans le Choul'hane 'Aroukh Hochen Michpate chap.237) ? Au cas où un accord a déjà été conclu par écrit ou par oral, nul ne peut plus s'immiscer dans l'affaire, même en ajoutant de l'argent par rapport au prix fixé avec le premier acheteur. Le vendeur également est tenu de respecter sa parole (il peut y avoir quelques exceptions à cette règle, voir Hochen Michpate 204,11) et sa signature. De toutes manières, une fois le contrat signé, il n'est plus possible de s'approprier une chose qui n'appartient plus au vendeur. Dans le cas où les pourparlers sont avancés et que le prix a été fixé, mais que rien n'a été signé et qu'aucun contrat n'a été engagé, il est alors interdit à toute autre personne d'agir pour s'approprier cet objet ou ce terrain. On admet que si la seconde personne n'était pas intervenue et n'avait pas perturbé cet achat, il est évident que le premier aurait terminé l'affaire. Donc il sera défendu au second de déranger le premier ; s'il le fait quand même, il sera considéré comme un " Racha'" - un méchant. Cet interdit est une loi de nos Sages, et selon Rachi, cela ressemble à un artisan qui vole la clientèle de son concurrent (Kidouchine 59b). Le Bèt Dine devra décider comment punir cette personne, mais selon la plupart des décisionnaires, on ne l'oblige pas à rendre au premier l'objet acquis de mauvaise foi. Mais une personne qui voudra vraiment se repentir et retrouver une conduite correcte (Midate 'Hassidoute), devrait rendre cet objet au premier, qui lui payera le montant de la vente (Aroukh Hachoul'hane 237,2, selon- Kidouchine 59a). Cette personne doit savoir que tant qu'elle n'a pas réparé sa faute, elle continue à avoir ce titre de "Racha", ce qui n'est pas très flatteur. Tant que la vente n'est pas achevée, le Bèt Dine a le devoir d'empêcher toute personne qui voudrait devancer le premier acheteur de le faire. Mais on se trouve souvent dans des cas où les pourparlers sont avancés, mais ne sont pas encore arrivés à leur conclusion.
Les différents intervenants ne se sont pas encore mis d'accord sur le prix, ou bien hésitent encore sur les conditions de la vente. Il faudra donc considérer diverses situations. S'il ne s'agit que d'une procédure un peu longue, mais qu'en fait il est évident que le premier va finir par acquérir l'objet ou le terrain, cela dépendra de l'habitude de cet endroit. C'est à dire que si l'on n'interdit pas une telle conduite, le second pourra intervenir et amener à conclure l'affaire en sa faveur sans être pour autant appelé un "Racha", et cela bien que le premier était plus engagé que lui (le Pricha pense que même dans ce cas c'est interdit, mais le Michpate Chalom et le 'Aroukh Hachoul'hane le permettent ; Voir aussi le Chévèt Halévy tome IV, par. 212).Lorsqu'il s'agit d'un objet sans propriétaire défini (Héfkèr) ou d'une affaire à très bon marché (moitié du prix normal), on pourra alors selon l'avis du Rama devancer la personne engagée en premier lieu et se l'approprier sans problème (Tossefote Kidouchine ad toc et Rama H. M. 237,1).
Même selon cet avis, il est rapporté dans une autre glose de Tossefote (Baba Batra 21b), qu'il est bon d'être rigoureux dans ce cas et de ne pas intervenir. Quant au Choul'hane 'Aroukh, il rapporte deux avis à cet égard, et le 'Erèkh Hachoul'hane ainsi que le Aroukh Hachoul'hane concluent que selon le Rav Yossèf Caro, il ne faudra pas tenter de devancer la première personne qui s'est intéressée à cet objet n'appartenant à personne ou vendu à perte). Le 'Hatam Sofèr (H. M. 79) met de l'ordre dans les divers cas qui peuvent se présenter : - Dans le cas d'une affaire bon marché (que l'on ne pourrait trouver ailleurs), si le premier engagé est un homme d'affaires et s'intéresse à acquérir cet objet pour en tirer profit, alors le second ne pourra pas intervenir dans l'affaire et entraîner que le premier soit rejeté. Nous avons parlé précédemment du cas où quelqu'un a devancé une autre personne - également acheteur potentiel - qui était déjà en pourparlers avancés avec le vendeur, au point d'avoir fixé un prix, sans toutefois être arrivé à conclure l'affaire. Si cette seconde personne s'immisce dans l'affaire et la prend pour lui, elle est appelé "Racha'" (mauvais personnage). L'achat n'est pourtant pas annulé- ce qui pourrait permettre à la première personne de l'acquérir, - et il acquiert en toute justice. Toutefois, dans certains cas, le Bèt Dine pourra décider de dévoiler et propager publiquement la façon dont les choses se sont passées ! Dans le cas où l'acheteur ne savait pas qu'il y avait un premier intéressé - déjà plus engagé que lui, car personne ne le lui l'a indiqué- il ne peut être considéré comme fautif (id). Mais s'il savait qu'il y avait d'autres personnes qui s'intéressaient sérieusement à l'affaire, et ne s'était pas renseigné pour savoir si l'un d'entre eux était déjà arrivé à une confusion quant au prix à verser, c'est alors plus grave ! Et le Bèt Dine est en droit de lui demander de rendre cette acquisition au premier client (Netiv Yochèr 9,12). On peut envisager le cas où une personne ne serait pas véritablement intéressée par l'achat d'un objet spécifique, mais donnerait au vendeur des informations sur l'acquéreur, au point que celui-ci refuse alors de lui vendre ce bien. Il s'agit là d'une médisance interdite, explique le 'Hafèts 'Haïm (Hilkh. Rékhiloute), et cette personne est également appelée "Racha'" d'après cet auteur. Dans la suite de ce chapitre, le 'Hafèts 'Haïm précise quelles sont les conditions requises pour pouvoir avertir un vendeur du fait que la personne intéressée n'est pas digne de confiance Bien que d'ordinaire, tant que les deux parties n'ont pas conclu le prix, on peut devancer le premier acheteur. Néanmoins, quand le prix d'un article est fixe, ou bien si l'acheteur s'apprête à acheter cet objet quel qu'en soit le prix, alors il est défendu au second de devancer le premier. Par contre, si au contraire, ils sont d'accord sur le prix, mais que le premier acheteur demande tout de même un temps de réflexion, même si le vendeur accepte d'attendre, le second peut tout de même le devancer (Pit'hé Téchouva IV, chap. 9,37), car le premier n'est pas encore sûr de vouloir faire l'affaire. |