Lettre ouverte à Haïm Korsia, Grand Rabbin de France

Monsieur le Grand Rabbin,

Tout le monde n’ayant pas votre expertise dans l’historique des évènements, je me permettrais de les rappeler très brièvement.

Dans un courrier récent, le Premier ministre israélien Binyamine Netanyahou a accusé Emmanuel Macron, « d'alimenter le feu antisémite » en France en appelant à la reconnaissance internationale de l'État de Palestine. En voici un court extrait.

« Je suis préoccupé par la montée alarmante de l'antisémitisme en France et par le manque d'actions décisives de votre gouvernement pour y faire face. Ces dernières années, l'antisémitisme a ravagé les villes françaises ».
« Depuis vos déclarations publiques attaquant Israël et signalant la reconnaissance d'un État palestinien, il a augmenté ».
« Je vous appelle à remplacer la faiblesse par l'action, l'apaisement par la volonté, et à le faire avant une date claire : la nouvelle année juive, le 23 septembre 2025 ».
« Votre appel à un Etat palestinien alimente ce feu antisémite. (...). Cela récompense la terreur du Hamas, renforce le refus du Hamas de libérer les otages, encourage ceux qui menacent les Juifs français et favorise la haine des Juifs qui rôde désormais dans vos rues ».

L'Élysée a réagi en qualifiant cette déclaration de « erronée » et « abjecte ».

Monsieur le Grand Rabbin, vous êtes censé représenter le culte juif auprès des autorités publiques, et vous êtes donc un interlocuteur privilégié pour l'État français et un consultant pour les questions religieuses et les débats de société.
Vous avez donc la lourde responsabilité de parler au nom de la communauté juive de France et d’en défendre les intérêts.

Il est donc légitime de s’interroger sur le sens de votre intervention hier, sur le plateau de BFMTV.

A la question : « qu’avez-vous pensé des accusations de Binyamine Netanyahou selon lesquelles l’inaction [de la France] alimente le feu de l’antisémitisme ? », vous avez eu l’audace de répondre devant les journalistes qui buvaient du petit lait : « personne ne peut être d'accord ». Par votre déclaration vous avez, je l'espère non intentionnellement et sous la pression de l'interview, fourni des arguments à l'amalgame antisémite.

Personne ne peut être d'accord ? Et bien détrompez-vous !
Moi, je suis totalement d’accord avec le premier ministre israélien et je ne suis pas le seul.
Les déclarations se multiplient au sein de la communauté juive pour interpeller le président Macron sur ses prises de positions et son manque dramatique d’action pour endiguer l’explosion antisémite en France.
Des analystes politiques, des journalistes, tous ceux qui ne sont pas atteints de cécité idéologique et qui ont gardé une conscience éthique de leur travail, se posent la question : Mais où est Macron ?
Anne-Laure Abitbol,
la sœur de Ilan Halimi l’a déclaré explicitement : « Emanuel Macron alimente le feu de l’antisémitisme et ne fait rien pour prendre des mesures contre les actes antisémites en France ».  « C’est des actes qu’on veut ! »

Même l’ambassadeur américain, devant la situation inquiétante des juifs de France, n’a pu s’empêcher de mettre en lumière le manque d’actions suffisantes du gouvernement pour y faire face. « L’antisionisme c’est l’antisémitisme, point ! » a-t-il déclaré. Et de poursuivre : « Des déclarations qui vilipendent Israël et des gestes en reconnaissance d’un Etat palestinien, fomentent la violence et mettent en péril la judaïté en France ».

Monsieur le Grand Rabbin
, comment pouvez-vous affirmer, par ailleurs, que « la détermination du gouvernement, du président de la république » (à lutter contre ce fléau) « avait toujours été absolue ».

C’est vrai, il a eu quelques déclarations formelles affirmant sa détermination à lutter contre l’antisémitisme.

Mais dans les faits, oui dans les faits, Monsieur le Grand Rabbin, quelles mesures a-t-il prises ? Aucune, bien au contraire !

  • Il ne s'est jamais attaqué au problème de fond, l’antisémitisme d’importation, en limitant l’immigration galopante, en particulier de certains pays hostiles à Israël et aux juifs en général. Il a même accepté une immigration sans contrôle de gazaouis, dont certains se sont avérés être de fervents admirateurs de Hitler et de ses actes.
  • Il a refusé de participer à la manifestation contre l’antisémitisme.
  • Il n’a pris aucune mesure pour endiguer la discrimination des étudiants juifs en faculté. Aucune mesure contre les responsables de grandes écoles qui laissaient faire. Aucune mesure pour soutenir les enseignants qui n’osent même plus aborder le sujet de la Shoa.
  • Il a refusé de se prononcer sur l’ignoble accusation de génocide à Gaza, laissant cela à l’appréciation des historiens.
  • Par contre, il a offert un cadeau inespéré au Hamas en initiant un mouvement pour la reconnaissance d’un Etat palestinien, récompensant ainsi, le pogrom du 7 octobre, le terrorisme islamiste, et oubliant au passage les otages morts-vivants qui croupissent dans les tunnels de Gaza. Oubliant aussi que les islamistes du Hamas prônent, comme il est stipulé dans leur chartre, la destruction totale de l’Etat d'Israel, donc des juifs. Et ce faisant, il encourage une certaine portion de la population française à l’amalgame : tout juif est un sioniste génocidaire qui doit en subir les conséquences.

Alors, s’il vous plait, Monsieur le Grand Rabbin, assez de discours aseptisés qui ne font que vous dévaluer, assez de pommade diplomatique pour faire passer la pilule de l’évidence qui gêne, assez de tentatives vouées à l’échec, pour justifier la position de l’Elysée.

Bien sûr, vous avez l’obligation, dans vos rapports avec les instances politiques de la France de respecter les convenances de mise. Mais pas au point de déformer la réalité ! Soyez courageux, dites les choses telles qu’elles sont. Remplissez les devoirs de votre fonction, faites valoir la voix et l’inquiétude des juifs français sans en occulter les causes.

Et surtout ne reprenez pas à votre compte la formule du « Pas de vagues » que l’on reproche tant au président Macron. C’est la pire des attitudes, car jamais le choix de la langue de bois n'a pu empêcher la marche des évènements, bien au contraire.

Aharon Bieler

Réaction à la nouvelle intervention de Haïm Korsia sur I24new le 28 août 2025



Haïm Korsia persiste et signe

Dans ma lettre qui vous était adressée, j’avais émis l’espérance que vos propos avaient dépassé votre pensée. Votre insistance à les confirmer ce soir sur I24 prouvent que je me suis trompé.

C’est grave, très grave. Vous êtes en parfaite contradiction avec la quasi-totalité des juifs de France. Vous été devenu un soutien pour la mouvance antisémite dans le pays et vous serez bientôt leur alibi pour justifier la recrudescence des agressions verbales et physiques contre les juifs.

Je les entends déjà dire : Si même le grand rabbin des juifs s’oppose à Netanyahou, c’est que nous sommes dans notre bon droit !

Vos arguments pour tenter de justifier vos propos sont tout simplement hors sujet : « La police, la gendarmerie, les préfets, tous se battent au quotidien pour protéger les synagogues, les écoles, les centres communautaires. »
Personne n’a émis la moindre accusation contre les forces de l’ordre qui font parfaitement leur travail ! LE SUJET C’EST MACRON, celui qui donne le cap.

Votre défense m’inspire le dégout. Vous marchez aux ordres. Vous n’êtes plus digne du titre de rabbin dont la qualité fondamentale est l’honnêteté intellectuelle ; et encore moins de celui de grand rabbin. Vous n’avez plus aucune légitimité de représentation de la communauté juive que vous êtes sensé défendre.

S’il vous reste un peu d’honneur, démissionnez !

Aharon Bieler