Rescapé de l’enfer : la résilience quasi surnaturelle d’Alon Ohel

Une résilience qui défie toute logique : le retour d’Alon Ohel après plus de 700 jours de captivité

À peine un mois après son retour chez lui, après plus de deux ans passés dans les tunnels de Gaza, Alon Ohel est apparu sur la “Place des Otages” à Tel-Aviv. Devant un piano installé spécialement pour lui, il s’est assis, le dos droit, et a joué “Chanson sans nom” de Yehudit Ravitz. Autour de lui, des dizaines de personnes ont chanté. Beaucoup y ont vu un geste presque irréel : un jeune homme qui, après avoir traversé ce qu’il décrit comme « la mort en continu », retrouve la musique avant même d’avoir retrouvé des forces.

Dès sa libération, il avait prévenu ses proches : pas d’effusion, pas de scène dramatique. Il voulait revenir “debout”, montrer qu’il n’avait pas été détruit. Et il persiste aujourd’hui : malgré les blessures et les séquelles, il refuse de se définir comme une victime.

« Ils m’ont tout pris, sauf ma capacité à décider qui je suis », affirme-t-il. « Je vais avancer. Je vais conquérir le monde. »

Maltraités, affamés et enchaînés

Dans une interview, Alon Ohel a dévoilé l’enchaînement d’épreuves qu’il a traversées : des mois d’isolement, la faim, les brimades, les chaînes pendant des mois, l’arbitraire constant. Détenu dans des tunnels étroits, il a dû, selon ses mots, “s’inventer une carapace” pour tenir.

« Vous n'avez jamais connu la famine, vous n'avez jamais été enchaînés pendant un an et demi. Enchaînés comme des singes, et nourris comme des chiens. Là-bas, vous n'êtes pas des êtres humains, vous êtes des animaux », a-t-il insisté.

Dès sa capture au festival Nova, alors qu’il n’avait que 22 ans, il a pris une décision : vivre coûte que coûte. S’accrocher, s’adapter, survivre, même lorsque les conditions étaient inhumaines.

Il raconte le chaos initial : l’attaque, la fuite, les explosions, la blessure grave à son œil, puis l’enlèvement brutal. Transporté blessé, hébété, il décrit la sensation d’être « arraché à la réalité en une seconde ».

Dans les jours qui ont suivi, il a été confronté à une foule hostile et haineuse.

« Vous prétendez qu'ils n'y sont pour rien ? » demanda-t-il d'un ton méprisant. « Là-bas, tout le monde est impliqué. »

Les premiers soins furent barbares : on lui fit des points de suture à la hâte, sans anesthésie, on lui interdit de crier ou de parler. La nourriture, réduite à presque rien, produisait une faiblesse permanente : « Nous avions tous l’air de squelettes. C’était voulu. »

Une force intérieure portée par un lien humain

Son principal soutien psychologique fut Eli Sharabi, rencontré après plusieurs semaines. Alon le décrit comme « une présence paternelle ». Sharabi l’a encouragé, apaisé, aidé à ne pas sombrer, alors même qu’il avait lui-même perdu ses deux filles le 7 octobre. Les deux hommes se sont fait une promesse : tenir pour leurs familles.

Dans les moments où il était séparé de tout contact, Alon chantait doucement, à voix presque imperceptible. La musique était interdite, mais c’était pour lui une façon de rester vivant intérieurement, sans savoir qu’une fois revenu, un piano l’attendrait sur une place publique.

La résistance dans la solitude

Lorsqu’il s’est retrouvé seul dans le tunnel, après le transfert d’autres otages, les pressions psychologiques ont augmenté. Il rapporte des comportements intrusifs et intimidants, qu’il a dû repousser, toujours dans une extrême vulnérabilité. Le langage reste mesuré, mais il explique clairement qu’il s’est défendu autant qu’il le pouvait, mentalement et physiquement, jusqu’à ce que la situation se stabilise.

Le moment de la libération : un choc à double face

Le jour où la Croix-Rouge, une organisation qu'il qualifiait de « honteuse », l’a extrait du tunnel, il a soudain aperçu les soldats israéliens engagés dans les combats autour de lui. Il dit avoir été submergé non par la joie de sa propre libération, mais par l’image de ces hommes mûrs, parents de famille, risquant leur vie pour la sienne.

Plus tard, lorsqu’il a appris que son ami Eli Sharabi avait perdu toute sa famille, il s’est effondré pour la première fois.

Mais son message reste inflexible : Pendant deux ans, dit-il, il a vécu comme un “mort vivant”. Aujourd’hui, il se considère comme un survivant — quelqu’un qui veut désormais « dévorer le monde ».