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Grand rabbin Haïm Korsia: "Le judaïsme porte les valeurs républicaines"

Lundi 13 Juillet 2015 | 06h53  
 
 
 
 


Six mois après les attentats de janvier, la grande peur des juifs de France se justifie-t-elle encore? Leurs lieux de culte et la plupart de leurs écoles restent sous la protection de l'armée, mais le grand rabbin Haïm Korsia joue l'optimisme et l'esprit de concorde, jugeant plus facile de porter la kippa en France aujourd'hui que ces dernières années.

Convaincu du recul de l'antisémitisme, cet héritier du franco-judaïsme n'a aucun doute sur la volonté de fermeté du président de la République et du Premier ministre. Haïm Korsia dit surtout partager leur conception de la laïcité, plus ouverte, moins "intégriste": la neutralité de l'Etat, souligne ce juif de pratique orthodoxe, ne signifie pas exactement la même chose que le refus absolu du fait religieux.

Face aux attentats terroristes et à la montée de la violence du groupe Etat islamique, Manuel Valls a parlé, le 28 juin, de "guerre de civilisation". Partagez-vous cette vision?

Ces terroristes sont contre notre civilisation, c'est une évidence! Ils en nient les valeurs, les fondements, les principes... Il existe dans le monde différentes civilisations qui se respectent, même si elles se connaissent mal. En revanche, le groupe Etat islamique a choisi la mort, tandis que nous avons choisi la vie. De ce point de vue-là, le Premier ministre a raison: le choc est inévitable.

Au lendemain des manifestations du 11 janvier, qui ont réuni un peu partout en France environ 4 millions de personnes, vous avez déclaré: "J'ai senti que la Bastille de l'indifférence tombait." Diriez-vous la même chose aujourd'hui?

Quelque chose de nouveau s'est produit, une ouverture. Bien sûr, on peut avoir, parfois, le sentiment de revenir à nos petits enfermements, mais il existe désormais une grande aspiration collective, qui nous oblige à agir concrètement. Ainsi, pour la première fois, les diplomates en formation ont suivi cette année un module intitulé "diplomatie et religion". Autre exemple: à Nancy, le recteur d'académie a décidé que les aumôniers militaires des quatre cultes iraient dans les écoles évoquer la question des religions. C'est une idée formidable de confier ce travail à des fonctionnaires, dont l'engagement est d'oeuvrer sans prosélytisme, dans le respect d'un cadre absolument laïque. Car la laïcité, ce n'est pas la négation du fait religieux, c'est la neutralité de l'Etat! J'en suis absolument convaincu: dans un cursus scolaire, il faudrait que tous les enfants aient vu au moins une fois un représentant de chaque religion, pour en connaître et en comprendre les rites. Seule la connaissance peut faire tomber les préjugés.

Avez-vous l'impression que, depuis les attentats de janvier, la laïcité est interprétée de façon plus restrictive?

Non, au contraire, l'exemple de Nancy le prouve. Je dirais que beaucoup de gens ont compris qu'on pouvait aujourd'hui porter une identité religieuse, n'importe laquelle, tout en étant profondément français. Je vous le répète, la laïcité, ce n'est pas le refus de la religion! En 1905, un amendement à la loi sur la séparation entre l'Eglise et l'Etat entendait empêcher les prêtres de se promener en soutane: cela empêchait les libres-penseurs de "libre-penser"... Cet "intégrisme laïcard" a été utilisé par certains politiques pour fragmenter la société, pour jouer les uns contre les autres; dès qu'on parlait de religion, c'était une agression. Heureusement, c'est fini.

Vous parliez d'actions concrètes, mais à part la présence de militaires pour protéger les lieux de culte et les écoles, qu'est-ce qui a été fait en six mois?

Les cultes travaillent ensemble, s'organisent ensemble dans certains espaces publics. Ainsi dans les aéroports: l'Etat nous donne des mètres carrés, et nous nous organisons avec des cloisons amovibles, pour célébrer notre culte. Nous réfléchissons ensemble, même si nous restons distincts.

Jugez-vous que l'indifférence des Français face à la montée de l'antisémitisme a diminué?

Il y a un an, un élu de la République, ceint de son écharpe tricolore de maire d'arrondissement, défilait à Paris dans une manifestation interdite par le ministre de l'Intérieur, au cours de laquelle des slogans antisémites ont été proférés. Quel scandale! Aujourd'hui, c'est terminé, même si je n'ai pas connaissance de sanctions prises contre lui. L'indifférence a caractérisé la période qui va de l'assassinat d'Ilan Halimi, en 2006, à l'attentat contre l'Hyper Cacher, en janvier 2015. Comme si tout cela se résumait à un combat intracommunautaire, alors qu'il s'agissait de Français qui attaquaient d'autres Français! Depuis le 11 janvier, certains points de crispation demeurent, notamment dans l'Education nationale, mais il est incontestable que les efforts du gouvernement pour la sécurisation des lieux de culte et des écoles sont un signe de la mobilisation générale de la société. D'ailleurs, je reçois beaucoup de messages de citoyens s'excusant d'être restés si longtemps silencieux, d'avoir détourné le regard. Il fallait un symbole comme celui du 11 janvier pour que tous ces petits renoncements successifs, cette capitulation, deviennent intolérables.

Comment caractériseriez-vous l'antisémitisme actuel?

L'antisémitisme, c'est la haine fondée sur des préjugés. En cela, rien n'a changé! Après la profanation de 250 tombes dans le cimetière juif de Sarre-Union, en février dernier, un officiel a laissé entendre que c'était terrible à cause du nombre de tombes profanées. Ce n'est pas une maladresse, cela dit quelque chose de l'époque : il y aurait donc un taux acceptable? Non. Même une tombe, c'est inacceptable. L'Etat doit montrer une fermeté absolue.

Vous ne parlez pas des propos antisémites tenus par certains jeunes musulmans...

L'antisémitisme est inadmissible d'où qu'il vienne. La force de la République, c'est de ne pas voir les gens en fonction de leur origine, mais en fonction de leurs actes. Si ce sont des antisémites, d'où qu'ils viennent, ce sont des "méchants" qu'il faut sanctionner fermement puis éduquer pour le futur. Il en va de même pour le contrôle des contenus de certaines chaînes satellitaires qui inondent de leur haine l'esprit de trop de nos jeunes.


Certains, à l'image de Dieudonné, se revendiquent antisionistes et font l'amalgame entre l'Etat d'Israël et les juifs. Cela nourrit-il l'antisémitisme?

Pour moi, on parle de la même chose: l'antisionisme, c'est de l'antisémitisme. C'est ce qu'affirmait déjà Martin Luther King.

Cette équivalence est pourtant loin d'être partagée par tous, dont des juifs eux-mêmes. Les ultraorthodoxes israéliens qui refusent le sionisme, par exemple, ce sont des antisémites?

Ils ne représentent qu'une ultraminorité du mouvement orthodoxe - et je les trouve peu charitables pour un Etat qui les défend et les nourrit. Ils devraient relire le prophète Isaïe (58, 7): le véritable jeûne, "n'est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable?" Cette foi, ils ne l'ont pas.

Revenons au sionisme. Le retour des juifs dans le pays de Sion s'accompagne d'une expansion géographique dans des territoires peuplés de longue date par des Palestiniens. Celui qui s'oppose à cette expansion est aussi un antisémite, à vos yeux?

Absolument. Ceux qui critiquent ce projet et nient le droit à Israël d'avoir un Etat sont les mêmes qui se déclarent pour l'autodétermination de tous les autres peuples du monde. Et je ne les vois pas beaucoup se manifester, ces antisionistes, devant les 210 000 morts en Syrie ou le massacre des chrétiens d'Orient!

Peut-on critiquer la politique israélienne?

Bien sûr. Ce n'est pas la même chose de dire, comme les antisionistes: "Il n'est pas légitime qu'il y ait des juifs sur la terre de Sion", et de fustiger le gouvernement d'Israël. Dans ce cas-là, on conteste une politique, ce que chacun est libre de faire. Cela ne signifie pas que l'on est contre l'Etat d'Israël, théorisé par Theodor Herzl et créé en 1948.

Vous vous inscrivez dans la lignée du rabbin Jacob Kaplan, figure historique de l'intégration des juifs dans la République. Que reste-t-il de ce franco-judaïsme si fécond aux XIXe et XXe siècles?

Je vais vous répondre par un exemple très récent. J'ai écrit au maire de La Tronche, une commune près de Grenoble de 621 habitants, pour le remercier d'avoir baptisé au début du mois de juin, après avoir consulté la population par référendum, une place de son village du nom de Fritz Finaly. Ce médecin autrichien s'était réfugié là pour fuir les nazis [NDLR: ses deux enfants ont été cachés puis convertis de force par des catholiques]. Pour moi, ce geste réenchante l'idéal d'ouverture et de tradition d'accueil de la France. Lorsqu'il existe une République avec des valeurs fortes - liberté, égalité, fraternité, qu'on oublie souvent -, on a une sécurité et une sérénité pour tous, y compris les juifs. Jacob Kaplan a été capable de rappeler la France à ses devoirs dans les années terribles de l'occupation nazie, mais aussi de signifier aux juifs que le judaïsme a pour vocation de porter les valeurs républicaines.

Les juifs ne vivent-ils pourtant pas un certain repli communautaire depuis le début des années 1960?

Avec l'arrivée des juifs d'Afrique du Nord, ce que l'on a vu se produire n'est pas une communautarisation, mais un réinvestissement du rituel. Plus exactement, nous avons conservé le même niveau de ritualisation dans une société qui se déritualisait à grands pas. Emile Durkheim explique qu'une société est composée de rites, et d'une tribu pour porter ces rites. L'un des grands problèmes de la France d'aujourd'hui, c'est qu'elle n'a plus de rites et qu'on ne sait même plus qui constitue la tribu. Figurez-vous que, lors des cérémonies républicaines où l'on délivre les certificats de nationalité française, il faut parfois demander aux candidats de se lever au moment où résonne La Marseillaise!

Benyamin Netanyahou vous a-t-il mis en difficulté lorsqu'il a incité les juifs de France à venir s'installer en Israël, lors de son passage à Paris, en janvier?

Il est dans son rôle de Premier ministre. Les juifs sont libres de quitter la France s'ils le souhaitent. Mais leur choix ne doit pas être motivé par la peur ou l'amertume. Notre devoir, ici, est que la communauté juive vive sereinement.

Quel bilan dressez-vous de votre action, un an après l'élection?

J'ai effectué près d'une centaine de déplacements, participé à des cours sur le Talmud à Lyon et à Paris, organisés par des femmes et pour des femmes pour que leur place soit mieux reconnue, j'ai nommé deux médiateurs - dont une femme - pour améliorer l'accueil de tous nos services. J'ai aussi changé la terminologie s'appliquant aux enfants dont le père est juif, mais dont la mère n'est pas juive - on parle non plus de conversion, mais de régularisation de leur statut.

Et sur le divorce, ce "guet" si difficile à obtenir pour certaines femmes?

Nous avons rédigé une motion, quinze jours après mon élection, signifiant clairement que, si le rabbinat doit tout faire pour faciliter l'obtention du guet par la femme, les négociations financières sont du ressort des avocats. On règle de nombreux problèmes en procédant de cette façon.

Comment va Jacques Chirac, dont on vous sait très proche?

Je m'exprime rarement sur cette relation d'ordre personnel. Sur ce sujet, je ne suis évidemment pas objectif. Mais permettez-moi de redire la reconnaissance qui est la nôtre envers celui qui a permis la réconciliation de la vérité et de l'espérance, lors de son discours historique au Vél'd'Hiv en juillet 1995.

Source : lexpress.fr
   


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